2013
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Études françaises ; vol. 49 no. 3 (2013)
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Martial Guédron, « Physiognomonie de l’Autre : des caricatures de la nature à la ségrégation sociale », Études françaises, ID : 10.7202/1021200ar
À la fin du xviiie et au début du xixe siècle, bien que discréditée par de nombreux scientifiques et par de nombreux philosophes, la physiognomonie a eu un remarquable impact sur les nouvelles sciences que constituaient alors l’anthropologie, la psychiatrie et la criminologie. Cette influence des théories physiognomoniques est manifeste dans la manière dont les descriptions du visage privilégièrent des protocoles servant à classer les types raciaux, les malades mentaux, les déviants et les criminels. Dans le même temps, la physiognomonie a favorisé, à travers l’interaction entre les images et les discours, une fusion, ou une confusion, entre les critères scientifiques et les critères esthétiques. À une date où le profil grec représentait la plus parfaite incarnation de l’humanité, on peut imaginer que l’hypothèse suivant laquelle la beauté physique était un indice de valeur morale ou de santé mentale a pu avoir des conséquences notables dans la discrimination de certains groupes humains. En fait, l’interférence de préjugés esthétiques sur les savants de l’époque les a conduits à percevoir certains représentants de l’espèce humaine comme des caricatures, c’est-à-dire comme des contre-modèles de la beauté idéale. Par la suite, les préjugés esthétiques ont continué d’interférer largement dans les théories raciales. Or le fait est que cette confusion n’a pas seulement influencé les diverses théories sur la hiérarchie des races, mais aussi celles concernant les différentes classes sociales. C’est pourquoi cet article partira de l’hypothèse de Michel Foucault suivant qui les métaphores de la lutte des races furent souvent transposées dans celles de la lutte des classes.