2016
Ce document est lié à :
Politique et Sociétés ; vol. 35 no. 2-3 (2016)
Tous droits réservés © Société québécoise de science politique, 2016
Émilie Bernier, « Pour une herméneutique de la misère. Relecture de deux thèmes marxiens : l’aliénation et le communisme », Politique et Sociétés, ID : 10.7202/1037014ar
Cet article s’intéresse à l’analyse, qui a été proposée par l’interprétation spinoziste du marxisme, des conséquences politiques des transformations ayant affecté la sphère productive au cours du passage aux économies post-fordistes. Caractérisée par l’intégration croissante des activités communicationnelles et affectives à la sphère de la production sociale de la valeur, cette nouvelle étape de l’accumulation capitaliste révèle à la fois un progrès formidable et une évolution surprenante de la séparation des individus par rapport à leurs conditions d’existence que ce mode de production commençait à accomplir aux premiers jours de l’industrialisation. Or, puisque toute production éthique et symbolique se trouve irréversiblement conquise par la logique marchande, l’hypothèse d’un dépassement de la misère qu’engendre cette extension de la valorisation capitaliste – une misère profonde, inédite – semble devoir être formulée sur de nouvelles bases. La pensée politique dont rend compte cet article propose, plutôt qu’une opération de sauvetage de l’autonomie de la sphère politique, une technique d’interprétation, par les subjectivités productives, des modes de subjectivation propres à cette nouvelle ère de l’accumulation capitaliste. Il s’agit en somme de définir, à grands traits, les ressorts de ce projet que j’appelle une « herméneutique de la misère », c’est-à-dire la misère elle-même, dans le geste de son imagination, se saisissant des dynamiques qui l’engendrent et participant de ce fait à la composition communiste de la puissance productive.