2014
Tous droits réservés © Ethnologies, Université Laval, 2014
Hervé Munz, « La captation patrimoniale des savoir-faire horlogers au risque de leur transmission », Ethnologies, ID : 10.7202/1037613ar
À partir d’une ethnographie de la transmission du métier d’horloger réalisée dans diverses écoles professionnelles de l’Arc jurassien suisse, cet article entend critiquer le paradigme de « patrimoine culturel immatériel » et l’ambition de sauvegarde des « savoir-faire traditionnels » qu’exprime la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) de l’UNESCO. La description de caractéristiques propres à la didactique professionnelle et à la manière dont les acteurs qui la mettent en oeuvre qualifient ce qu’est une compétence en horlogerie permet tout d’abord de montrer que la Convention ne peut pas constituer un opérateur de transmission du savoir horloger. En deuxième lieu, il convient de relever que la figure de la transmission que la Convention met en exergue est anthropocentrée et que les dynamiques d’apprentissage du métier dans le cadre scolaire l’invalident. Elles font en effet des objets d’importants opérateurs de transmission de la gestualité et des techniques horlogères. Enfin, l’auteur fait voir que la distinction entre paradigme pédagogique (basé sur un impératif de transparence) et paradigme initiatique (qui fait la part belle aux secrets) ne permet pas de caractériser l’apprentissage dans le cadre des écoles d’horlogerie. La transmission horlogère s’opère également dans des pratiques de voilement/dévoilement sans que l’explicitation des savoirs en soit toujours une condition, ce qui contrarie fortement le principe de sauvegarde qu’incarne la Convention.