2016
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Ethnologies ; vol. 38 no. 1-2 (2016)
Tous droits réservés © Ethnologies, Université Laval, 2016
Nelson H.H. Graburn, « De l’esthétique à la prothétique, et inversement : Matériaux, réalisations et consommateurs d’art sculptural inuit au Canada, ou Alfred Gell dans l’Arctique canadien », Ethnologies, ID : 10.7202/1041587ar
Cet article examine l’ethno-esthétique complexe des sculptures commerciales des Inuit canadiens de la fin du XXe siècle. Il suggère que cette ethno-esthétique est performative dans le sens où les Inuit jugent leurs oeuvres d’art non par leur forme visuelle ultime, mais en fonction de critères de proximité instaurés par les artistes masculins locaux ayant le plus de succès, par la nature du matériau lithique disponible sur place (et les outils utilisés) et par le statut et l’aptitude de l’artiste (selon son âge, son sexe, son expérience, son état de santé). À la suite d’Alfred Gell et Marily Strathern, nous sommes d’avis que l’art a une finalité, à savoir exercer son agentivité (son influence) sur le public qui, pour les Inuit, est avant tout le groupe local des autres (artistes) Inuit. Mais ces oeuvres sont destinées à la vente, aussi doivent-elles (aussi) influencer les qallunaat (les Blancs susceptibles de les acheter). Certains Inuit enfreignent leurs propres valeurs ethno-esthétiques pour produire des oeuvres ayant l’air « primitif », c’est-à-dire de facture grossière et de formes enfantines, ou bien soulignent la « spiritualité » (le chamanisme) ou les transformations de l’homme en animal (animisme) pour séduire le « marché blanc » en convoquant les propres fantasmes de celui-ci au sujet du primitif en voie de disparition.