2018
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Mémoires du livre ; vol. 9 no. 2 (2018)
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Luc Pinhas, « La revue Masques et les éditions Persona : Une aventure éditoriale et culturelle pionnière au service de la communauté LGBT en France », Mémoires du livre / Studies in Book Culture, ID : 10.7202/1046987ar
La revue Masques a joué un rôle important, à partir de 1979 et durant la première moitié des années 1980, au côté du périodique Gai Pied, dans l’affirmation publique de la communauté LGBT, de même que dans l’émergence d’un champ médiatique qui lui soit dédié. Elle a manifesté également une mutation dans les formes d’action qui ont affecté alors le militantisme homosexuel de la décennie précédente, mutation qui a conduit à accorder à la dimension culturelle et aux modes de vie une place majeure à partir du moment où l’homosexualité a été pleinement dépénalisée. La revue s’est ensuite prolongée au travers d’une maison d’édition, Persona – la première structure éditoriale se revendiquant de l’homosexualité en France –, à l’activité intense durant cinq ans. Le catalogue de cette dernière, reconnue dans l’espace éditorial, a vu coexister littérature exigeante, études (principalement sur le cinéma), documents et enquêtes sociologiques. La cohabitation entre hommes et femmes au sein d’une revue qui se voulait délibérément mixte n’a toutefois pas été aisée au moment où les lesbiennes ont entendu manifester leur singularité à travers leurs propres publications, de sorte que différentes tensions sont advenues et que les contenus gais se sont montrés majoritaires au fil des numéros parus. L’inscription dans la durée, surtout, malgré le passage d’une parution trimestrielle à un format mensuel, s’est heurtée à un manque de trésorerie, en même temps sans doute qu’à des erreurs de gestion de jeunesse, ainsi qu’à une frilosité certaine des partenaires professionnels, libraires comme annonceurs, encore fortement réticents, dans ces années-là, envers des publications LGBT. Il en est résulté que les deux entreprises ont dû cesser leurs activités en 1986.