2017
Ce document est lié à :
McGill Law Journal ; vol. 63 no. 1 (2017)
Copyright © MichaëlLessard, 2017
Michaël Lessard, « « Why Couldn’t You Just Keep Your Knees Together? » L’obligation déontologique des juges face aux victimes de violences sexuelles », McGill Law Journal / Revue de droit de McGill, ID : 10.7202/1054354ar
L’actualité des dernières années a mis en lumière le comportement problématique de plusieurs juges envers des victimes de violences sexuelles, minant leur confiance et celle du public envers le système judiciaire. Parmi certains des cas plus médiatisés, on compte celui du juge Robin Camp qui avait demandé à une victime : « why couldn’t you just keep your knees together? ». Voilà qui a eu pour effet de mettre le projecteur sur une frange de la magistrature qui croit encore au mythe de la « bonne victime » (ou la « victime parfaite »).Dans ce texte, je soutiendrai qu’un ou une juge commet une faute déontologique lorsqu’il ou elle tient un propos (1) prompt à entretenir le mythe de la bonne victime, (2) qui participe d’un des quatre stéréotypes afférents condamnés en droit et (3) qui n’est pas justifié par sa pertinence et sa nécessité pour le raisonnement juridique.L’article se divise en trois parties. Dans la Partie 1, je détaille d’abord brièvement les stéréotypes visés par ma proposition. Celle-ci se limite aux quatre stéréotypes fondant le mythe de la bonne victime qui ont été condamnés en droit, c’est-à-dire qui constitueraient une erreur de droit s’ils fondaient un raisonnement juridique. Selon ces quatre stéréotypes, (i) une femme sexuellement active est plus encline à consentir et serait moins crédible; (ii) une femme qui ne dénonce pas son agresseur immédiatement après l’agression est peu crédible; (iii) une femme qui ne résiste pas à l’agression y avait sûrement consenti; et (iv) une femme en thérapie est plus susceptible de mentir. Dans la Partie 2, j’aborde les fondements juridiques de l’obligation déontologique de ne pas entretenir ces stéréotypes tout en identifiant deux limites à cette obligation. Le commentaire n’est fautif que s’il entretient un stéréotype condamné en droit et que s’il n’est pas pertinent et nécessaire au raisonnement juridique. Dans la Partie 3, enfin, j’illustrerai ma proposition en décortiquant les motifs du juge William B. Horkins dans R. v. Ghomeshi.