Souffrance, jugement moral et « société addictogène » : les registres de sens du traitement de la dépendance

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2018

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Drogues, santé et société ; vol. 17 no. 1 (2018)

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Line Pedersen, « Souffrance, jugement moral et « société addictogène » : les registres de sens du traitement de la dépendance », Drogues, santé et société, ID : 10.7202/1059141ar


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Cet article explore la teneur de l’évaluation morale dans les modes de traitement du « trouble addictologique » en s’intéressant aux trajectoires des personnes en prise avec des produits psychoactifs inscrites dans une démarche d’arrêt ou de diminution des consommations d’alcool ou des drogues illicites. En suivant ces trajectoires de sortie, j’ai pu questionner leur passage dans deux entités de traitement, les Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) et les groupes d’entraide associatifs (Vie Libre, Narcotiques et Alcooliques Anonymes). À partir d’une posture ethnographique, à la fois compréhensive et critique, nous explorons la construction de la « sortie » des addictions au regard des contraintes morales, sociales et institutionnelles. L’article se fonde sur des données de recherche recueillies de 2010 à 2013. Elle combine à la fois l’observation directe des milieux, ainsi que des entretiens biographiques et semi-directifs réalisés avec des intervenants (nb 15) et des personnes dépendantes (nb 41).L’analyse qualitative de données met en évidence que le travail biographique déployé par les personnes dépendantes permet une mise à distance de l’expérience de l’emprise. Il s’agit de constituer un jugement moral sur ses comportements passés sous l’effet des produits. La catégorie de trajectoire de déprise permet donc de rendre compte des formes subjectives de (se) composer avec ou sans les produits sans renvoyer à l’idéal d’abstinence. C’est seulement au moment de la mise en récit devant les pairs ou les professionnels que l’on peut parler d’une rupture biographique. En ce sens les entités médiatisent les récits des personnes dépendantes, parce qu’elles contribuent à construire un cadre d’énonciation des récits, et donc de distinguer ce qui peut être dit ou pas. Cet article interroge l’aspect contraignant de ce processus, en ce sens que l’obligation de se raconter participe aussi à construire un sujet moral capable de s’autocontrôler.

This paper explores the content of moral evaluation operating in different treatment models of addiction in France by focusing on the trajectories of persons dependent on psycho-active products and actively searching for a solution to get free of its hold (partially or totally). We’ll specially be questioning the treatment models the addicts pass through : specialized treatment centers (called CSAPA in France) and self-help groups such as Narcotics Anonymous and “Vie Libre” (for people with alcohol problems). By adopting an ethnographic position, both comprehensive and critical, we’ll explore the construction of the “exit” of addiction with regard to the moral, social and institutional constraints. This article is based on data collected between 2010 and 2013. It combines observation of the environments of the treatment models, as well as biographical and semi-directive interviews with the professional caregivers (=15) and with the “addicts” (=41).The qualitative analysis of the data shows that the biographical work by the “addicts” allows a distancing of the experience of addiction. It’s a question of establishing a moral judgment of one’s past behavior while consuming the products. The category of “trajectoire de déprise” then allows to summarize the subjective ways of composing (oneself) with or without the use of drugs, without immediately referring to the ideal of abstinence. It’s when narrativizing oneself in front of the caregivers or members of self-help groups, that we can observe a biographical disruption. The treatment models mediate this narration, because they contribute in deciding what can be told and what’s unsayable. The narration becomes a condition to enter the society : by narrativizing oneself, the capable subject morally testifies him/herself as a responsible subject. This article questions the constraining aspect of this process, in this sense that the obligation of narrativizing oneself also participates in the construction of a moral subject capable of controlling him/herself.

Este artículo explora el contenido de la evaluación moral en los modos de tratamiento del “problema adictológico” interesándose en la trayectoria de las personas dependientes de productos psicoactivos que se inscriben en un camino de parar o disminuir el consumo de alcohol o de drogas ilícitas. Al seguir estas trayectorias de salida he podido interrogar sobre su pasaje en dos entidades de tratamiento, los Centros de Atención, Acompañamiento y Prevención en Adictología (CSAPA) y los grupos de ayuda mutua asociativos (Vie Libre, Narcotiques et Alcoholiques Anonymes [vida libre, narcóticos y alcohólicos anónimos]). A partir de una postura etnográfica, a la vez comprensiva y crítica, exploramos la construcción de la “salida” de las adicciones con respecto a las restricciones morales, sociales e institucionales. El artículo se funda en datos de investigación recogidos entre 2010 y 2013 y combina a la vez la observación directa de los medios, así como las entrevistas biográficas y semi-dirigidas realizadas con los intervinientes (nb 15) y los “adictos” (nb 41).El análisis cualitativo de los datos demuestra que el trabajo biográfico realizado por los “adictos” les permite colocarse a distancia de la experiencia de la dependencia. Se trata de constituir un juicio moral sobre sus comportamientos pasados bajo el efecto de los productos. La categoría de la trayectoria del abandono permite entonces dar cuenta de las formas subjetivas de arreglar (se) con o sin los productos sin hacer referencia al ideal de abstinencia. Es solamente en el momento del inicio del relato ante los pares o los profesionales que se puede hablar de una ruptura biográfica. En este sentido, las entidades mediatizan los relatos de los adictos porque contribuyen a construir un marco de enunciación de los mismos y, por lo tanto, permiten distinguir lo que se puede o no se puede decir. Este artículo investiga el aspecto limitante de este proceso, en el sentido de que la obligación de contarse participa también en la construcción de un sujeto moral capaz de autocontrolarse.

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