2019
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Études françaises ; vol. 55 no. 1 (2019)
Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2019
Clive Thomson, « « Le sentiment dont nous parlons » : La correspondance de Georges Hérelle », Études françaises, ID : 10.7202/1059365ar
Georges Hérelle (1848-1935) est bien connu, de son vivant, pour ses excellentes traductions en français de l’oeuvre de l’écrivain italien Gabriele D’Annunzio et pour ses travaux d’érudition sur le théâtre populaire basque. Dans notre étude récente, Georges Hérelle : archéologue de l’inversion sexuelle « fin de siècle » (Paris, Éditions du Félin, 2014), nous avons insisté sur l’important rôle qu’il a joué comme historien et surtout archiviste de l’homosexualité, en examinant son journal intime, ses notes de voyage, ses albums de photographies et ses manuscrits inédits. Se caractérisant comme « timide et un peu sauvage », Hérelle avoue, dans son journal intime, « sa crainte d’être indiscret ». Il décide, très jeune, de mener une double vie. Dans le contexte de sa longue carrière de professeur de philosophie, il conserve l’image publique d’un homme convenable et modeste. C’est une question de survie, dit-il, parce qu’il est entouré d’une société extrêmement hostile et intolérante. Par ailleurs, il fréquente discrètement dans sa vie privée un tout petit groupe d’amis homosexuels. Dans l’article présent, nous abordons un nouvel objet d’étude, à savoir les lettres des années 1860 et 1870 qu’Hérelle a adressées à Paul Bourget et à d’autres amis intimes. Hérelle et ses amis se racontent les menus détails de leur vie quotidienne, mais aussi leurs aventures amoureuses, pensées intimes et ambitions littéraires. Ces jeunes gens sont à la recherche d’un langage qui leur permettrait de décrire avec précision la nature de leurs sentiments amoureux. Notre analyse révèle une image singulièrement riche de la vie homosexuelle à un moment historique précis – les premières années de la Troisième République – pour lequel il existe très peu de témoignages autobiographiques d’homosexuels.