2020
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Études françaises ; vol. 56 no. 1 (2020)
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Raphaëlle Guidée, « Disparaître dans les ruines du capitalisme. L’imaginaire de Détroit dans la photographie et la littérature françaises contemporaines », Études françaises, ID : 10.7202/1069803ar
Le titre de cet article est une variation sur celui d’un essai d’Anna Tsing, Le champignon de la fin du monde. Sur les possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme. Dans cet essai remarquable, l’imaginaire apocalyptique de la fin du capitalisme et/ou du monde cède la place à une description minutieuse des formes de vie qui se mettent en place dans les espaces dévastés par l’exploitation de la nature. En prolongeant cette enquête anthropologique sur un terrain esthétique, je me propose d’examiner la manière dont la littérature de langue française et la photographie française contemporaines racontent et montrent ce qui advient après une catastrophe économique dans une ville, Détroit, dont les ruines en sont venues à incarner la faillite du fordisme et du « rêve américain ». Partant d’un examen des photographies d’Yves Marchand et Romain Meffre (Les ruines de Détroit, 2011), nous verrons comment celles-ci se sont trouvées au coeur d’un débat sur la « pornographie des ruines », débat auquel les nombreux romans et récits sur Détroit publiés en France depuis 2013 ont en revanche échappé. Nous montrerons pourtant que, loin de remédier aux manques d’une imagerie des ruines qui invisibilise les habitants de la ville tout en tirant profit de leur misère, la récente littérature de langue française inspirée par ces images reconduit leur effacement dans la plupart des cas.