2020
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Revue générale de droit ; vol. 50 no. 1 (2020)
Droits d'auteur © Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa, 2020
Anne-Françoise Debruche, « Le jury de common law comme héritier du jugement de Dieu : la vérité du verdict peut-elle être motivée? », Revue générale de droit, ID : 10.7202/1070089ar
En 1219, le jury de jugement remplace en Angleterre l’épreuve ordalique pour décider de la culpabilité en matière pénale. L’absence de motivation à l’appui du verdict rendu par le jury, qui caractérisait déjà l’ordalie (également appelée jugement de Dieu), perdure aujourd’hui dans les pays de common law comme l’Angleterre, les États-Unis ou le Canada, et la continuité historique unissant le jury à l’ordalie médiévale contribue à éclairer de manière stimulante ce trait de plus en plus controversé.Quel rapport y a-t-il entre l’actuelle procédure par jury et le rite ordalique par l’eau ou par le feu? En quoi les remarquables similitudes qu’offrent les deux procédures, notamment en ce qui a trait à la dramatisation d’une épreuve publique, à une justice servant les intérêts des parties plutôt que ceux d’un État tout-puissant ou encore au rôle du juge dans la production de la vérité et de la nature de celle-ci, nous permettent-elles de mieux comprendre pourquoi la vérité issue du verdict continue d’être ce qu’elle a toujours été en common law : non motivée et très peu susceptible d’appel quant au fond? Bref, en quoi la splendeur, puis la chute du jugement de Dieu médiéval nous renseignent-elles sur certains traits caractéristiques de l’institution du jury aujourd’hui, y compris le caractère non motivé de ses verdicts? C’est ce que nous entendons explorer ici au regard du jury anglo-canadien contemporain.