2020
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Études françaises ; vol. 56 no. 2 (2020)
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Louis-Daniel Godin, « La Scouine couine : poétique de l’a-parole dans le roman d’Albert Laberge », Études françaises, ID : 10.7202/1072477ar
« Aucun des personnages du roman ne possède les mots pour exprimer la souffrance [de sa] vie », écrivent les auteurs de L’histoire de la littérature québécoise à propos des personnages de La Scouine d’Albert Laberge (M. Biron, F. Dumont, É. Nardout-Lafarge, Boréal, 2007, p. 208). L’ignorance de la langue est une thématique privilégiée dans la littérature québécoise, qui s’est prolongée de différentes manières au fil du xxe siècle, notamment grâce à une abondance de narrateurs enfants engendrant leur propre langage, rêvant d’union incestueuse ou de retour au paradis perdu de l’enfance. Cette insistante thématique est souvent considérée comme le signe d’une immaturité nationale à dépasser. Nous défendons la thèse inverse : le désir littéraire de révéler les origines du langage n’est pas synonyme d’immaturité lorsqu’il est assumé par une complexe élaboration poétique. Il relève alors d’un savoir-faire, ce que La Scouine d’Albert Laberge nous permet de démontrer. Nous proposons une hypothèse nouvelle sur la signification du titre de ce classique de la littérature québécoise. Cette analyse de la poétique du roman engage également une réflexion sur le nom propre et les rapports du sujet au langage qui a pour cadre le savoir de la psychanalyse.