2020
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Albena Tcholakova, « Composer avec les émotions : réfugiés et chercheuse dans la relation d’enquête », Recherches qualitatives, ID : 10.7202/1073514ar
Tout travail engage des émotions de différentes natures. Cet article s’efforce d’apporter une contribution épistémologique à la réflexion des émotions dans le travail d’enquête, une enquête menée sur les carrières professionnelles des réfugiés dans deux sociétés européennes, la France et la Bulgarie. C’est au prisme de la relation d’enquête comme travail spécifique – faisant partie du métier des chercheurs en sciences humaines et sociales – qu’est interrogée la place des émotions. Les émotions y sont envisagées en tant qu’effets, outils et supports de l’action, en tant qu’agissant sur la relation enquêtrice-enquêtés et en tant qu’agies par cette relation, en adoptant une approche deweyenne. Les émotions exprimées ou dissimulées peuvent signaler des désajustements de l’interaction entre chercheurs et enquêtés et peuvent inviter la relation d’enquête à s’engager dans de nouvelles directions. Le travail d’enquête engage ainsi un « travail émotionnel » que cet article propose d’analyser, en mettant l’accent sur deux dimensions des émotions : leur caractère situé et leur structure dramaturgique. Ces deux dimensions renvoient à deux perspectives du travail émotionnel. La première pointe rôle du contrôle de l’information sociale dans les interactions. La seconde, quant à elle souligne le fait que le travail émotionnel est lié aux rapports de domination de classe, de sexe et de racialisation.