2021
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Études françaises ; vol. 57 no. 1 (2021)
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Idir Hachi, « Prose des faits et vers défaits. L’insurrection algérienne de 1871 dans les chroniques militaires et dans la poésie kabyle », Études françaises, ID : 10.7202/1076114ar
Notre article propose une lecture comparée des représentations de l’insurrection dans les sources coloniales et dans la poésie kabyle. Parmi les sources se détachent Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie de Louis Rinn (1891) et L’insurrection de la Grande Kabylie en 1871 de Joseph Nil Robin (1901). Ces deux ouvrages très documentés livrent une somme de faits : l’étendue territoriale de l’événement, son intensité, ses combats, l’ampleur de ses répercussions sur la société dominée en pertes humaines, séquestres, amendes collectives, exécutions sommaires, déportations, déclassement social, démantèlement des structures élitaires traditionnelles. Pourtant, le contexte particulièrement troublé de 1870, qui a vu le ressentiment des Européens d’Algérie à l’endroit des institutions militaires se muer en un torrent d’invectives laisse penser que les deux officiers de l’armée d’Afrique que sont Rinn et Robin ont pris la plume à des fins distinctes de la simple chronique ou de la compilation de faits. Leurs ouvrages révèlent, du point de vue colonial, des divergences inconciliables sur l’insurrection de 1871. Ils expriment moins un élan désireux de faire la lumière sur le plus grand soulèvement algérien du xixe siècle, qu’un enjeu de lutte entre le colonat et les élites militaires françaises. Bien différentes sont les représentations de la poésie kabyle de l’époque, transmise par voie orale. Certaines compositions ont été recueillies, traduites et publiées au xixe siècle par Jean-Dominique Luciani et Louis Rinn et, au xxe siècle, par Ammar ou Saïd Boulifa et Mouloud Mammeri. Ces compositions en disent plus sur les terribles conséquences d’une insurrection assimilée à la fin d’un monde que sur les responsables de celle-ci.