Architectes de leur mort : Cimetières, tombes et rêves de (im)mortalité

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2021

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Anthropologie et Sociétés ; vol. 45 no. 1-2 (2021)

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Michelangelo Giampaoli, « Architectes de leur mort : Cimetières, tombes et rêves de (im)mortalité », Anthropologie et Sociétés, ID : 10.7202/1083798ar


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Si, comme le disait Edmond Haraucourt dans Rondel de l’adieu (1890), « [p]artir, c’est mourir un peu », il est vrai aussi que mourir signifie quitter ce monde et, également, commencer à s’organiser en vue de ce que (peut-être) il y aura juste après le dernier souffle. Pour un nombre surprenant de personnes, cela signifie se préparer à sa propre mort en se consacrant à l’achat d’une concession funéraire et à la création de sa dernière demeure : on choisit le cimetière, le monument, les matériaux, les symboles, l’épitaphe… On construit, en fait, un dernier foyer pour soi-même et, souvent, pour sa propre famille. Dans le cadre d’une plus vaste recherche anthropologique conduite dans des cimetières en Italie, aux États-Unis et au Brésil, on a pu se confronter à des individus qui ont décidé de passer leurs derniers mois ou années de vie à choisir, acheter, décorer et personnaliser leur propre tombe. Qu’ils fassent cela pour réaliser leurs derniers rêves et volontés — avant qu’il ne soit trop tard et en ne se fiant pas trop au fait que les autres le fassent pour eux — ou, tout « simplement », pour ne pas penser à la maladie et à la destruction du corps, le résultat est souvent le même : sous forme d’une chapelle, d’un buste, d’un petit jardin ou d’une photographie funéraire, et dans des espaces — les cimetières — qu’on apprend à aimer chaque jour davantage, des individus pensent à la mort de façon constructive et, souvent, artistique. C’est surtout une manière de ne pas la subir, la mort ; au contraire, on apprend à la connaître et à la maîtriser, jusqu’à en faire une oeuvre d’art ou juste un agréable espace de mémoire.

If—as Edmond Haraucourt wrote in Rondel de l’adieu (1890)—«[t]o leave is to die a little», it is also true that to die means to leave this world and, also, start preparing for what will (may) be right after the last breath. For a surprising number of people, that means to prepare for death by purchasing a plot in a cemetery, supervising to the construction of the monument, choosing the materials, the symbols, the epitaph… in one word, building a «last home» for them and, often, for their families. As part of anthropological research carried out in cemeteries in Italy, the United States and Brazil, we met with some of these individuals who decided to spend their last months of life buying, decorating, and personalizing their own graves. Whether one does this to make his/her last wishes and dreams come true—before it is too late and not trusting that others will do it—or, simply as a distraction from their disease and the deterioration of their body, the result is often the same: in the form of a chapel, a bust, a little garden, a funerary picture, and inside these spaces—cemeteries—as they learn to love every day more, these people think about death in constructive and often artistic ways. It is above all a way of not being subjected to death; on the contrary, they learn to know better and even master death, transforming it into a work of art or just a comfortable space of memory.

Si, como decía Edmundo Haraucourt en Rondel de l’adieu (1890), «partir c’est mourir un peu», es cierto que morir también significa abandonar este mundo y, también, comenzar a organizarse para lo que (tal vez) habrá después del último suspiro. Para un número sorprendente de personas, eso significa preparase a morir dedicándose da la compra de una parcela de cementerio y a la creación de su propia última morada, el monumento, los materiales, los símbolos, el epitafio… Se construye, de hecho, un último hogar para sí mismo, y frecuentemente, para su propia familia. En el cuadro de una más amplia investigación antropológica realizada en los cementerios de Italia, Estados Unidos y Brasil, nos hemos confrontado con individuos que decidieron pasar sus últimos meses o años de vida a elegir, comprar, decorar y personalizar su propia tumba. Que esto se haga para realizar sus últimas voluntades y sueños —antes que sea demasiado tarde y sin fiarse demasiado a que los otros lo hagan en su lugar— o, «simplemente» para no pensar en la enfermedad y la destrucción del cuerpo. El resultado es con frecuencia el mismo: una capilla, un busto, un jardín o una fotografía funeraria, y en esos espacios —los cementerios— es donde se aprender a apreciar aun más cada instante, los individuos piensan en la muerte de manera constructiva y, con frecuencia, artística. Es una manera de no sufrir la muerte; al contrario, se aprender a conocerse y a controlarse, hasta hacer una obra de arte o solamente un agradable espacio conmemoratorio.

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