Pour une approche transversale du savoir banal en Acadie : la taoueille, sainte Anne et la sorcière

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2005

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Tous droits réservés © Société québécoise d’ethnologie, 2005


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Denise Lamontagne, « Pour une approche transversale du savoir banal en Acadie : la taoueille, sainte Anne et la sorcière », Rabaska: Revue d'ethnologie de l'Amérique française, ID : 10.7202/201708ar


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La consultation des ethnotextes permet d’effectuer une histoire renouvelée de la dévotion à sainte Anne en Acadie, cette histoire vue d’en bas qui substitue à la théorie, la vie, et à la norme, la réalité quotidienne. En Acadie, certains membres de l’élite clérico-nationaliste allaient choisir en 1881, pour l’ensemble du peuple acadien, Marie de l’Assomption, comme porte-étendard de la cause acadienne. L’Acadie participait ainsi au processus de rationalisation de la famille des saints issu du Concile de Trente au profit de l’unique figure de Marie afin de favoriser une certaine forme de christocentrisme, plus franchement monothéiste. Dans cette foulée, sainte Anne, la plus populaire des saintes, a été peu à peu marginalisée. Cette sainte est indissociable de l’histoire du difficile passage du paganisme au christianisme au sein de l’Acadie coloniale. Véritable symbole du catholicisme dans le Nouveau Monde, la figure de sainte Anne s’est imposée comme la patronne des Amérindiens. C’est elle qui a eu raison du culte des ancêtres et de la dévotion au soleil. Ce lien entre la grand-mère sainte Anne et les Amérindiens sera souligné à plusieurs reprises dans de nombreux récits témoignant de la complicité entre l’aïeule du Christ et les « Indiens ». Cette parenté est ressentie si fortement par les répondants que certains d’entre eux iront même jusqu’à suggérer que « sainte Anne serait une indienne ». Si les Micmacs de l’Acadie coloniale l’ont accueillie comme une reine, c’est à cause de la suprématie face au savoir qui confère aux vieux, voire aux vieilles, un rôle éducatif fondamental et impose d’emblée le respect au statut de grand-mère. La représentation la plus populaire de sainte Anne qui aura servi de support à la christianisation dans le Nouveau Monde, c’est bien cette Sainte Anne au livre, mieux connue au Canada français sous le vocable de Sainte Anne éducatrice de Marie, qui a réussi à s’imposer jusqu’à nos jours. Mais la plupart des représentations de sainte Anne insistent sur l’évocation de sa vieillesse et, parmi les curiosités iconographiques qui demandent une attention particulière, nous retrouvons une gravure datée du XVe siècle intitulée : Sainte Anne est une sorcière. Or, c’est cette sorcière à la fois guérisseuse, sage-femme et jeteuse de sorts que nous retrouvons au sein du folklore acadien sous le nom de Taoueille. Véritable menace pour l’orthodoxie, sainte Anne, tout comme les récits apocryphes d’où elle est issue, appartient à ce savoir qui résiste aux discours dominants de la recta ratio théologique tout comme le folklore résiste à une certaine version canonique de l’histoire religieuse.

By examining oral narratives we may renew our historical knowledge of the cult of Saint Ann in Acadia, thus building a history from the bottom up, where life experience supplants theories and accepted norms. In Acadia in 1881, some of the clerics who belonged to the nationalist elite acted in the name of the entire Acadian people in choosing the Assumption of Mary as the symbol of the Acadian cause. This was a time when the devotion to saints was being rationalized following the Council of Trent, with the resulting insistence on the Marian cult as a way of promoting a more monotheist religion centred on Christ. This movement slowly marginalized the most popular of saints, Saint Ann, who embodies the difficult passage from paganism to Christianity in colonial Acadia. As the true symbol of Catholicism in the New World, Saint Ann quickly became the patron saint of First nations groups. She was successful in replacing ancestor worship and devotions based on solar myths. Many narratives telling of Saint Ann’s fondness for « the Indians » explain the ties between Christ’s grandmother and First nations people. The link is felt so strongly that some go so far as to suggest that « Saint Ann was an Indian ». In colonial Acadia, Micmacs considered her as a queen because of the wisdom they attributed to elders, and specifically the respect given to grandmothers as educators. The most popular image of Saint Ann used to evangelize Natives in the New World was « Saint Ann and the Book » (Sainte Anne au livre). This image has always popularly been known in French Canada as « Saint Ann educating Mary » (Sainte Anne éducatrice de Marie). Most images of Saint Ann, however, present her as an old woman, and one of the curiosities of religious art history is a 15th century engraving entitled « Saint Ann as a Witch » (Sainte Anne est une sorcière). This is exactly the personification of the medicine woman, midwife and sorcerer that is referred to as the «  taoueille » in Acadian folklore. Saint Ann thus challenges orthodoxy, just like the Apocryphal narratives that describe her. She is part and parcel of the type of knowledge that resists the dominant discourse in theological recta ratio, in the same way that folklore opposes a certain canonical vision of religious history.

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