CRANE À VELESTINO : LE FONCTIONNEMENT D'UNE ÉCRITURE

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2017

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Guillaume Tanguy, « CRANE À VELESTINO : LE FONCTIONNEMENT D'UNE ÉCRITURE », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.073t5l


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La fascination de Stephen Crane pour le sport et la guerre est bien connue. Elle s'inscrit dans une recherche personnelle de la masculinité et dans la révolte contre une culture victorienne marquée, selon le mot d'Ann Douglas, par la féminisation. Après avoir évoqué la guerre dans le roman qui l'avait rendu célèbre, La Conquête du courage, Crane souhaitait faire l'expérience concrète de ce qu'il avait décrit et devint correspondant de guerre. A la fin de l'année 1896, il tenta de gagner Cuba afin de couvrir l'insurrection. Sachant qu'il serait difficile de gagner l'île à cause du blocus naval, il résolut finalement de se rendre en Grèce, où un conflit avec la Turquie était imminent. Il signa un contrat de reporter de guerre avec le New York Journal, dirigé par William Randolph Hearst, arriva à Athènes le 8 avril 1897, et commença à publier des dépêches vers la fin du mois. La guerre gréco-turque, surnommée guerre de Trente Jours, se déroula entre le 18 avril et le 18 mai 1897. Malgré quelques victoires, les Grecs furent mis en déroute par l'armée turque soutenue militairement par l'Allemagne. Un armistice imposé par les grandes puissances européennes mit fin au conflit. La bataille de Velestino, la plus importante de la guerre, fut l'une des rares victoires remportées par les Grecs même si, par une décision qui semble aberrante, le Prince héritier ordonna à l'armée de battre en retraite, au grand dam du général Smolenski. Après la fin des combats en juin, Crane rentra en Angleterre. Au total, pendant la période de mai à juin 1897, il devait publier seize dépêches sur la guerre gréco-turque. Crane avait réussi à atteint son objectif, celui de se rendre dans un pays en guerre : il arriva à Athènes le 8 avril, peu de temps avant la déclaration de guerre contre la Turquie. A présent, il voulait être au coeur des combats. Il se rendit d'abord en Epire mais, ayant appris que de violents affrontements se déroulaient en Thessalie, il se rendit dans cette province en compagnie d'autres journalistes américains, dont Richard Harding Davis et John Bass. Le 4 mai, il gagna Velestino, où eu lieu la bataille principale du conflit (Cazemajou 129-131). Atteint de dysenterie, il ne put se rendre sur le théâtre des opérations que le 5 mai, ayant manqué un jour de combats. Ce qui frappe dans cette période de la vie de Crane, c'est sa détermination absolue à se rendre sur une zone de guerre. Comme le note Joseph Conrad, dont il était devenu l'ami en Angleterre, « rien n'aurait pu le retenir. Il était prêt à traverser l'océan à la nage » (Robertson 138).i Pourquoi ? La guerre permettait tout d'abord à Crane de mettre à l'épreuve sa masculinité, de « toucher du doigt la grande mort » comme l'avait fait Henry Fleming. Le journaliste John Bass décrivit la façon dont, pendant la bataille de Velestino, Crane se tint assis sur une caisse de munitions, fumant une cigarette. ii Aussi est-il troublant de lire, dans cette dépêche, ainsi que dans « Un fragment de Velestino », la description semblable d'un lieutenant exposé aux tirs, fumant une cigarette, et finalement abattu d'une balle dans la gorge, comme si Crane évoquait par procuration l'instant de sa propre mort. Il s'agit de rechercher le danger extrême, de façon presque suicidaire, sans toutefois tomber dans la pose, comme le montre cette dépêche, qui débusque les faux-semblants. iii Car c'est bien l'attitude mentale face à la mort, et non le comportement visible, que scrute l'auteur : « To Bass's question of what impressed him most about the action, Crane responded that it was 'the mental attitude of the men' » (Wertheim, Encyclopedia 21). Néanmoins, Crane avait une autre raison de traquer la guerre. Il désirait authentifier la vision de la guerre formulée dans La Conquête du Courage. Il « 'se rendait en Grèce car, ayant beaucoup écrit sur la guerre, il estimait qu'il était grand temps qu'il assiste à quelques combats' » (Robertson 141, ma traduction). Après son retour en Angleterre, il affirma à Conrad qu'il avait vu juste.

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