2010
Cairn
Marie Fabre, « Buongiorno, notte : « approfondir l'histoire par infidélité » », Sociétés & Représentations, ID : 10670/1.0askif
Au sein du corpus des films où apparaissent les groupes révolutionnaires armés des années Soixante-dix en Italie, Buongiorno, notte, de Marco Bellocchio (2003), fait figure d’exception. Le réalisateur choisit en effet de faire un film sur l’un des moments les plus dramatiques et les plus emblématiques de l’histoire des années de plomb, mais, contrairement à d’autres, il choisit de le faire sans recourir à la spectacularisation de la violence, ni aux intrigues des théories du complot, se concentrant sur un huis-clos, au plus près de l’intimité de son personnage principal, Chiara, et de son rapport mi-réel mi-imaginaire à la personne du prisonnier Aldo Moro. Cependant, c’est à travers ce choix de la reconstruction d’une subjectivité, voire même de l’infidélité à certains faits réels, que Bellocchio réussira ce qu’aucun film n’avait fait avant celui-ci, c’est-à-dire s’approcher des causes historiques, plus ou moins lointaines (communisme, drames du fascisme et survivances d’une résistance « trahie »), qui peuvent expliquer la naissance du phénomène de la lutte armée en Italie. L’un des procédés formels qui illustre le mieux cette démarche est celui de la citation, ou de l’insertion d’images empruntées à d’autres films, dont sont composées les rêveries de Chiara. Notre article se propose d’analyser les séquences où apparaissent ces emprunts, pour mieux dégager le sens politique du film, entre évocations du passé et vision présente, nécessairement rétrospective.