10 juin 2016
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Audrey Lemesle, « Eugène Ionesco en ses réécritures : Le travail de la répétition », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.0ceizc
Après avoir créé La Cantatrice chauve en 1949, Ionesco n’a pas tardé à apparaître comme une force de renouvellement du théâtre français. S’il se détache progressivement de sa posture agressivement avant-gardiste, il ne renonce pas à faire de sa dramaturgie un objet d’exploration : de l’introduction du rêve sur la scène, à la tentation de l’autobiographie dramatique. Le mouvement de la quête artistique a cependant cohabité avec une immuabilité ontologique, souvent revendiquée par l’auteur lui-même. Les pièces portent les empreintes d’un ressassement qui, dans l’ombre, travaille l’homme. Il se nourrit d’obsessions telles que l’angoisse de la mort, l’effarement devant la violence de ses semblables, la douleur de l’impuissance à ressusciter la lumière de l’enfance. Ionesco a trouvé dans la réécriture un processus créateur susceptible d’embrasser et de dépasser ses contradictions. Depuis La Cantatrice chauve – autoadaptation d’une première version roumaine– jusqu’à son dernier théâtre – conçu à partir d’un récit autofictionnel et de récits de rêve, en passant par la transmodalisation de nouvelles et la reprise de deux chefs-d’œuvre allogènes, Journal de l’Année de la Peste de Daniel Defoe et Macbeth de Shakespeare, Ionesco réécrit, les autres comme lui-même. La reprise textuelle, en ce qu’elle épouse le double mouvement de la pause réflexive et de l’impulsion conquérante, lui a ainsi fourni un précieux outil pour penser et repenser sa dramaturgie. Notre travail s’attache à étudier en diachonie les paradoxes et les prouesses de l’œuvre littéraire à la lumière de cette pratique scripturale. Nous avons cherché à montrer l’influence décisive qu’a eue la réécriture sur l’évolution de la dramaturgie ionescienne. La consultation de ses manuscrits a constitué un outil majeur pour appréhender le travail de répétition de ses réécritures.