2001
Cairn
Dominique Linhardt, « L'économie du soupçon : Une contribution pragmatique à la sociologie de la menace », Genèses, ID : 10670/1.0loqh2
Une longue série de détournements d’avions et d’explosions en vol accompagnent l’histoire de l’aviation civile. Comment peut-on rendre compte de ce qui est thématisé par les acteurs comme une « menace » à la fois insaisissable et persistante ? Comment procède-t-on à la « mise en sécurité » d’un aéroport ? L’article propose une description de la prévention du terrorisme aéroportuaire comme un dispositif de tri censé, par la vigilance, permettre le filtrage des personnes et des objets potentiellement dangereux. Pour les autorités, confrontées à un adversaire adoptant les habits de la normalité pour se dissimuler, et faisant, par là même, planer un doute sur sa présence, exercer le soupçon apparaît à la fois comme une nécessité, dans la mesure où il peut permettre d’empêcher un attentat, et un risque, dans le fait que le soupçon peut facilement apparaître comme arbitraire. L’une des réponses apportées à ce dilemme est à chercher dans le design du dispositif : en inscrivant le double impératif – assurer la sécurité sans mettre en cause les libertés publiques – dans sa matérialité et dans ses procédures, la contradiction, sans être toujours entièrement levée, tend néanmoins à être désamorcée. Cette configuration ne manque pas de soulever des interrogations concernant la sociologie de la menace où le soupçon est généralement traité uniquement du point de vue du risque d’arbitraire.