2021
Cairn
Pierre-Étienne Vandamme, « Tirage au sort et conscience des injustices », Raisons politiques, ID : 10670/1.0p1wam
Cet article examine dans quelle mesure le tirage au sort de représentants politiques pourrait être un vecteur de justice sociale. En raison de sa capacité à amener à des postes de pouvoir des représentants de groupes désavantagés, la réponse semble a priori positive. Elle présuppose toutefois la capacité des représentants tirés au sort issus de ces groupes à agir dans le meilleur intérêt du groupe – et donc qu’ils aient conscience des injustices subies et des moyens efficaces d’y remédier. Or, tant la pensée marxiste que la psychologie sociale contemporaine ont mis en évidence le fait qu’une telle conscience des injustices n’allait pas de soi pour des personnes éduquées et socialisées dans des contextes où dominent des idéologies anti-égalitaires. Une telle conscience des injustices n’est parfois acquise qu’au terme d’un processus assez lent de politisation collective, dans une dynamique d’antagonisme. Loin de condamner le tirage au sort, la prise en compte de cette réalité amène d’une part à mesurer l’avantage d’assemblées citoyennes s’inscrivant dans la durée, et d’autre part à ne pas perdre de vue certains bénéfices de la démocratie électorale comme la capacité de mobilisation et de conscientisation des partis politiques et le rôle essentiel joué par la société civile.