2019
Cairn
Patrice Bret, « Traduire les couleurs : Madame Picardet, le Président de Virly, la minéralogie wernerienne et les palettes chromatiques allemandes », Dix-huitième siècle, ID : 10670/1.10p6oz
Au 18e siècle, la théorie newtonienne n’est pas opératoire dans l’atelier du peintre ou du teinturier, ni même dans d’autres sciences. Dans le Traité des caractères extérieurs des fossiles, la « division méthodique des couleurs » est, pour Mme Picardet qui le traduit en 1790, la partie la plus neuve du système minéralogique de Werner. Au-delà du jeu de translation entre le génie national des langue-source et langue-cible, traduire les couleurs est une entreprise humaine et matérielle collective. Outre son approche sensible, liée à sa pratique des cabinets de minéralogie, la traductrice recourt à l’aide de chimistes, minéralogistes et traducteurs réunis autour de Guyton de Morveau à Dijon ou voyageant à travers l’Europe. Grâce aux mises à jour que lui envoie l’auteur par l’intermédiaire de l’Espagnol d’Elhuyar, elle augmente d’un tiers le nombre des couleurs de sa palette et sa traduction devient une seconde édition révisée et augmentée. En y joignant une synthèse des travaux théoriques et pratiques allemands sur le sujet, due à son ami le Président de Virly, elle révèle notamment le Farbenlexicon de C.F. Prange, utopique catalogue chromatique universel de 4 608 couleurs que, faute de considérer la traduction comme une œuvre à part entière, l’historiographie a ignoré.