Toutes émotions consumées ? : Les « conducteurs de fours » dans les services funéraires : technologie et distance

Résumé Fr En

Dans l’entre-deux des espaces publics et privés des crématoriums, les conducteurs de fours exercent un métier spécifique et technique. Assistés des machines qu’ils sont chargés à la fois de manœuvrer et de surveiller, leur travail les expose à un contact alternativement direct et médiatisé avec la transformation des cadavres. Cette coprésence avec les morts et les machines soumet ces professionnels à des violences particulières, dans le cadre d’une activité apparentée aux exigences et aux pratiques de la fluidité industrielle. Le contact qu’ils ont ponctuellement avec les endeuillés nécessite, lui, le développement de stratégies de rupture avec l’univers machinique. Ces va-et-vient structurent des pratiques professionnelles, entre mise à distance technicienne et corps à corps avec les restes ; entre travail de blasement et violence subie.

Working in a sort of netherworld where public and private spaces come together, crematorium operators have a specific, technical job to do. In charge of equipment they must both use and watch over, their jobs require direct and indirect interaction with corpses undergoing a final transformation. This intersecting of the dead and machinery confronts crematorium workers with a particular type of distress, which is also subject to industrial-like workflows. And their occasional contact with the grieving requires developing the capacity to psychologically step back from their mechanical environment. Distancing themselves from the technology they have to use while coming to grips with the rest, is how they structure their jobs: it requires going back and forth between being detached from their work and enduring the violence it submits them too.