Le rôle des juifs et des chrétiens dans l’historiosophie du šī‘isme imamite

Résumé En Fr

This paper aims to analyse and expound upon the particular representation of the Jews and the Christians in the tradition of Šīʿi Imami esotericism, as perpetuated from the origins of Šīʿism through to the dawn of modernity. This seemingly paradoxical representation, radically different from that of Sunni Islam, is at the heart of a conception of the sacred history that is both cyclical and teleological, and may be referred to as a historiosophy, as it relates to a unique theology of the Holy Scriptures. The first part of the paper presents the general outline of this historiosophy: the idea of a cyclical history which inherently rejects the superiority of Islam per se. The second part draws attention to the role of a subset of Jews and Christians considered Imami Šīʿa’s allies throughout history, specifically during three key-periods: prior to Islam, during the advent of Islam and the life of Imams, and before the End of Time. The final section studies how the Imami exegesis of the Qur’an, in accordance with this specific historiosophy, interprets the verses seemingly hostile towards Jews and Christians. The conclusion stresses the importance of this representation of ‘others’ in the self-definition of Imami Šīʿism, while seeking to understand the historical conditions of its emergence.

Cet article entend exposer et analyser la représentation particulière des juifs et des chrétiens dans la tradition ésotérique šīʿite imamite telle qu’elle s’est perpétuée des origines du šīʿisme jusqu’à l’aube de la modernité. Cette représentation paradoxale, radicalement différente de celle du sunnisme, est au cœur d’une conception de l’histoire sainte comme cyclique et téléologique tout à la fois, une historiosophie liée à une théologie particulière des Écritures. La première partie porte sur le schéma général de cette historiosophie, l’idée d’une histoire sainte répétitive récusant toute supériorité de l’islam en soi. La deuxième partie porte sur le rôle de juifs et de chrétiens considérés comme des alliés des šīʿites imamites aux trois périodes-clés de l’histoire sainte : avant l’islam, à l’avènement de l’islam et du vivant des Imams, à la veille de la fin des temps. Enfin, une dernière partie étudie comment l’exégèse imamite du Coran, conformément à cette historiosophie, interprète les versets apparemment hostiles aux juifs et aux chrétiens. Nous conclurons sur l’importance déterminante de cette représentation des autres dans la définition de soi du šīʿisme imamite, en nous interrogeant sur ses conditions historiques d’émergence.