2016
Cairn
Claude Romano, « Pour un réalisme du monde de la vie », Revue de métaphysique et de morale, ID : 10670/1.1ofi91
Le but de ce travail est de plaider en faveur d’une position peu explorée jusqu’à présent dans le débat idéalisme-réalisme et que l’auteur se propose de baptiser « réalisme du monde de la vie ». Cette position consiste à affirmer que notre expérience a affaire au monde lui-même, c’est‑à-dire au monde dans son indépendance à l’égard de notre esprit – indépendance qui repose sur l’existence de structures a priori matérielles qui régissent ce monde ; mais que, pour autant, le monde phénoménal, en tant que milieu de notre vie, demeure distinct de la réalité physique telle qu’elle est conçue et déterminée par le savant. Inspiré par la critique husserlienne de l’objectivisme dans la Krisis, un tel réalisme confère toutefois au « monde de la vie » un statut très différent de celui qu’il possède chez Husserl, car elle rejette le tournant transcendantal et, avec lui, l’idée même de « constitution ». Il existe d’ailleurs chez Husserl un forte tension, et même une contradiction, entre ses présupposés idéalistes (sa thèse d’une dépendance complète du monde à l’égard de la conscience, reposant sur l’hypothèse de l’anéantissement du monde formulée au § 49 des Ideen I) et l’idée même d’a priori matériels qui confèrent à ce monde ses structures absolument nécessaires, indépendamment du sujet qui l’expérimente.