2022
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Benoît Carteron et al., « Approche anthropologique des événements en Nouvelle-Calédonie (1984-1988). Divergences de mémoires entre bipartition politique et vision commune du pays. », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.1qgpdc
Les Événements de 1984-1988 ont constitué un moment crucial de l’histoire calédonienne. Les affrontements violents, considérés comme un début de guerre civile, ont été stoppés par la poignée de main entre les deux leaders indépendantiste et loyaliste Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur avec la signature de l’accord de Matignon (juin 1988). La portée des Événements a été considérable car ils ont mis fin à des non-dits historiques, légitimé la revendication kanak d’indépendance, mis à mal le mythe pionnier porté par les Européens et leur domination sans partage. Si plus rien ne pouvait être considéré comme avant avec les Événements, ses mises en récits n’en diffèrent pas moins selon les options politiques.L’élaboration d’une mémoire partagée passe par plusieurs étapes : l’intérêt porté à l’histoire de l’autre, combler les lacunes des oublis et non-dits, donner un sens à l’histoire dans une vision commune du pays par de nouveaux mythes fondateurs, traduire cette histoire en une mémoire commémorative. Les deux premières étapes font l’objet d’un travail important de la part des institutions (école, musées, Centre Culturel Tjibaou, médias), y compris pour la période des Événements. Pour autant, on peut se demander si ne s’opposent pas continuellement deux perspectives politiques dans le regard porté sur la période, chacune l’incluant dans un avant ou un après qui lui donnent fondamentalement son sens ? Ainsi, du point de vue indépendantiste, les Événements apparaissent comme une séquence dans les conflits qui émaillent la reconquête du pays. Du point de vue loyaliste, les Événements sont un accident de l’histoire, le conflit est effacé au profit de sa résolution par la poignée de main, les accords politiques et le retour à une cohabitation harmonieuse déjà présente auparavant. Entre ces deux extrémités, quels mythes fondateurs et quelles commémorations seraient susceptibles, sous l’angle de l’invention de traditions, de constituer une mémoire fédérative dépassant les oppositions politiques ?