2018
Cairn
Jean-Philippe Pierron, « Le juge, l'éthique et la laïcité. De la laïcité comme principe à la laïcité comme méthode », Les Cahiers de la Justice, ID : 10670/1.2cjryz
On invoque souvent la laïcité comme un corps de principes constitutionnels. Ne doit-on pas aussi l'envisager comme une méthode contribuant à l'élaboration et au soutien non seulement d'une déontologie professionnelle mais d'une éthique des professions de la justice ? La judiciarisation est la finalité courte du droit de la laïcité. Dans les relations conflictuelles, sa fonction de neutralisation par la neutralité n'est pas là pour anéantir mais pour apaiser et protéger les libertés individuelles dont la liberté de conscience. Cette finalité courte, souvent spectaculaire dans les « affaires », ne doit pas estomper une seconde finalité. La juridicisation porte la finalité longue de la laïcité : viser la paix, la justice et la fraternité. Depuis plus d'un siècle, la constante jurisprudence du Conseil d'État relativement à la mise en œuvre de la loi 1905 en témoigne. Elle travaille discrètement mais durablement à la mise en œuvre d'un espace-temps social et politique tolérant, partageable et partagé par toutes et tous. Il y a donc plusieurs temps de la laïcité : le temps court pour les biographies, le temps long pour les sociétés, et le temps très lent d'une philosophie de l'histoire dans les relations des religions avec le droit et le politique dont l'histoire du droit est le témoin.