2021
Cairn
Stéphane Bonnet, « Les Confessions d’Augustin ou la préhistoire de l’autobiographie », La Pensée, ID : 10670/1.2jw8kv
Les modernes sont tentés de reconnaître dans les Confessions d’Augustin une autobiographie. Mais on a depuis longtemps observé que la narration de soi, si elle se trouve présente dans les Confessions, est ici subordonnée à la louange et à l’invocation adressées à Dieu. Or cette subordination interdit précisément la constitution d’un véritable récit autodiégétique autour d’un sujet où s’uniraient le singulier et l’universel. Chez Augustin, la singularité de l’homme est pécheresse et l’universel est en Dieu ; le sujet en première personne ne peut tenir son être de sa seule participation à la communauté des hommes. C’est au contraire dans la solitude du face-à-face avec Dieu que lui vient sa parole, laquelle dit l’expérience de la conversion et de la foi, de telle manière que tout chrétien y trouve la représentation de ce qu’il doit être. Mais cette parole ne porte pourtant pas une narration de soi devant les chrétiens et devant les hommes. Il faudra que le sujet se délivre du péché originel et se pense selon l’horizon du cosmopolitisme pour qu’il puisse parler enfin aux hommes, au lieu de s’arracher à la singularité par l’appel de Dieu.