2011
Cairn
Ninon Grangé, « Le paradoxe du terrorisme. Pour une théorie des passions politiques », Les Champs de Mars, ID : 10670/1.2xuh9n
Les tentatives pour comprendre le terrorisme et en rendre compte se sont heurtées à l’écueil de l’explication justifiant des pratiques immorales. La spécificité de la recherche en sciences humaines en général, en philosophie en particulier, et contre l’historicisation de la définition du terrorisme, finit par détruire l’alternative entre stratégies de l’excuse et condamnation a priori. La plupart des objections à une définition générale des rationalités terroristes tombe dès lors qu’on se refuse à rapporter le terrorisme au terrorisme islamiste actuel. Ainsi, de l’étude du terrorisme se déduit le renoncement aux catégories wébériennes de la rationalité et aux explications assumées par les théories du choix rationnel. En répondant aux trois questions négatives sur les terroristes : fous, barbares, irrationnels ?, on en vient à distinguer non seulement le terrorisme et un quelconque état de guerre, mais aussi un terrorisme substantiel et un terrorisme conséquentiel, un terrorisme minoritaire et un terrorisme étatique. Ces distinctions descriptives sont relayées par la prise en compte de la dimension collective de toute action individuelle. C’est bien plus à l’intérêt qu’aux passions que la raison s’oppose. L’action terroriste n’est ni irrationnelle ni dépassionnée. Son analyse contribue à une théorie des passions politiques. Motivations, croyances, désirs, sentiment d’indignation et d’injustice doivent être repensés dans cette perspective d’une théorie des passions politiques non opposées à la raison. On en arrive à définir, plutôt qu’une rationalité seulement logique ou efficace, pour le terrorisme en général, un altruisme, déphasé par rapport à tous les standards connus de la morale et de la politique, mais nullement paradoxal. Le rapport à la population, rapport social et politique, entre refus, adhésion et participation, se décline alors à travers un nouveau tableau des émotions politiques, de sorte qu’enfin le départ entre terrorisme et résistance devient conceptuellement possible.