Le droit, les sentiments familiaux et les conceptions de la filiation : à propos d'une affaire de possession d'état du début du xviie siècle

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2010

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Sylvie Steinberg, « Le droit, les sentiments familiaux et les conceptions de la filiation : à propos d'une affaire de possession d'état du début du xviie siècle », Annales de démographie historique, ID : 10670/1.400h5d


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Sous l’Ancien Régime, la justice civile avait à connaître de nombreuses affaires de famille ayant trait à des questions de filiation. Bien que, dans ces conflits familiaux, la parole des individus ait été médiatisée par les avocats qui prononçaient les plaidoiries, les affaires judiciaires sont une source importante pour approcher les configurations familiales, les itinéraires de vie et même les passions qui animaient les différents protagonistes, à la condition de faire la part de la rhétorique et des visées performatives des plaideurs. Une affaire particulière est ici prise comme point de départ d’une investigation sur les sentiments parentaux, maternels et paternels, tels qu’ils étaient exprimés communément dans les milieux restreints qui se pourvoyaient en justice. Il s’agit d’un cas judiciaire où une jeune femme, nommée Marie Croissant, chercha et réussit, durant les années 1629-1638, à faire reconnaître qu’elle était bien la fille d’une certaine Marie Nassier et de son feu mari Joachim Cognot, médecin de son état, lesquels l’avaient abandonnée puis engagée durant neuf années comme leur servante. À travers cette affaire, transparaît le fait que les sentiments parentaux, conçus comme naturels et intemporels par les protagonistes du prétoire, sont le fruit d’une construction sociale complexe où l’intérêt privé, le regard du public, la nécessité sociale de se perpétuer, les conceptions de l’hérédité, jouent un rôle essentiel. Tout aussi essentielle est la manière dont le droit lui-même intervient en proposant aux individus des normes de conduite mais aussi en se faisant, via l’évolution jurisprudentielle, le réceptacle de conceptions du lien de filiation qui irriguent les sentiments parentaux.

In Old Regime France, civil courts frequently had to decide on cases concerning questions of filiation. Although the words of individuals involved in these family conflicts have been transmitted by the lawyers who pleaded the cases, and whose rhetoric and performative intentions must be taken into account, these court cases are nevertheless an important source for understanding family configurations, biographical patterns and even the passions that moved the different protagonists. In this article, a case study serves as the starting point for an exploration of parental feelings—both maternal and paternal—as they were expressed in the limited social categories that resorted to civil courts. During the years 1629 to 1638, a young woman, named Marie Croissant, succeeded in having officially recognized that she was in fact the daughter of Marie Nassier and the latter’s deceased husband, Joachim Cognot, a doctor. The couple had abandoned the infant girl and later hired her as a servant during nine years. Through the prism of this affair, it becomes visible that parental feelings—however natural and timeless they may be presented by the protagonists in the courtroom—are the product of a complex process of social construction, involving private interest, public opinion, the social necessity of reproduction, as well as concepts of heredity. No less important is the way in which the law itself interferes, not only by suggesting norms of behaviour, but also by becoming, through an evolving jurisprudence, the reservoir of contemporary ideas about filiation such as they penetrate parental feelings.

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