2017
Cairn
Claire Joachim et al., « Chapitre 4. Between risk and complexity: European water protection law issues », Journal international de bioéthique et d'éthique des sciences, ID : 10670/1.46jn6b
Le droit contemporain se caractérise par l’émergence de nouveaux domaines de législation souvent complexes à l’image du droit de la concurrence, des biotechnologies, du droit de l’environnement ou encore des nouvelles approches en matière de propriété intellectuelle. Mais il est un domaine du droit qui stigmatise encore plus singulièrement que d’autres cette complexité croissante : le droit de la protection des eaux dans l’Union européenne.Du fait de ses origines profondément ancrées dans la culture européenne, mais aussi des enjeux éthiques, politiques, économiques et sociaux qui l’habitent, ce droit apparaît comme la représentation type des liens qu’entretiennent risque et complexité.La complexité du droit européen de la protection des eaux apparaît à deux niveaux. D’abord et dans toute l’Europe, on note depuis ces trente dernières années une prolifération normative sans précédent, tendant à suivre les sursauts de l’opinion publique. Ensuite, les instruments utilisés par l’Union européenne sont voués à être transposés à chaque État membre. Par ce biais, les règles européennes doivent être intégrées dans l’ordre juridique étatique. Dans beaucoup de cas, un seul texte de transposition ne suffit pas. Par exemple, la Directive « nitrates » n˚91/676 visant à la qualité de l’eau en Europe a nécessité seize textes de transposition en France.Cette complexité pose plusieurs difficultés sérieuses. Les exigences de sécurité juridique et d’efficacité économique rendent nécessaire l’élimination de l’ensemble des dérives qui disqualifient la loi et le législateur, et menacent la cohésion sociale. Or, la multiplication des sources du droit, mais aussi des auteurs de la norme applicable, crée des situations juridiques de plus en plus complexes, pour lesquelles le juge doit non seulement appliquer la législation nationale, mais encore la combiner avec les textes d’origine communautaire ou internationale, voire les régulations provenant des autorités administratives indépendantes compétentes. Par exemple, malgré cette prolifération des normes, il est établi que la qualité des eaux européennes ne s’est pas remarquablement améliorée en 30 ans.Il semble donc qu’en faisant obstacle à la connaissance des règles, la prolifération normative, l’instabilité des règles et la complexité des normes édictées en matière d’eaux provoquent des situations de risque dont les répercutions se ressentent tant au niveau juridique qu’environnemental.Dans le cadre de cette contribution, nous interrogerons l’approche proposée par le droit de l’Union européenne quant à une ressource naturelle essentielle dans un ordre social, et donc à la capacité du droit Européen de régir réellement et durablement cette ressource face aux risques juridiques et environnementaux.