Actions délicates et épreuves de justice à Jérusalem-Est

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2010

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Sylvaine Bulle, « Actions délicates et épreuves de justice à Jérusalem-Est », Politix, ID : 10670/1.4a74w9


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La morale et la justice peuvent-elles s’inscrire dans des situations imposant la survie et comprimant toute possibilité de liberté et d’accomplissement individuels ? À cette question, nous tentons d’apporter des éléments de réponse en suivant le cours des actions des citadins demeurant à Jérusalem, ville caractérisée par la séparation politique et urbaine en raison de la création récente de la barrière de sécurité coupant les faubourgs arabes de la ville. La quête d’un mieux-vivre tout comme l’absence de perspective de sortie de crise politique dans les Territoires palestiniens et à Jérusalem conduisent en effet les citoyens à des actions délicates. L’étude concerne des activités illicites voire immorales, contrevenant aux normes mais régulant les injustices. En nous référant à un cadre théorique construit par la sociologie pragmatique des régimes de justice, nous décrirons donc au fil des pages des opérations de justification du mieux-être des citadins clôturés qui se présentent comme des occasions de confirmer la sensibilité multiple et l’éclectisme des normes des acteurs soumis à de fortes contraintes pratiques. Elles mettent en crise le registre habituel de l’ethnographie des comportements de survie et de la sociologie de la domination. L’ensemble de ces actions appelées épreuves de justice et de légitimité ne sont pas sans portée politique : elles posent silencieusement la reconnaissance des citadins « entravés » en deçà d’un cadre de justice institutionnelle.

What’s a Right Action? Pragmatical Engagments for the Justice in East-Jerusalem Can we bypass the simplified theory (critical theory) of domination and oppression often used to characterize the current situation of enclosure of Palestinians in East Jerusalem? Our survey and research concern the pragmatic actions of the citizens of East Jerusalem to overcome the enclosure and the separatism. Despite the relations of force imposed by the closure (the control of movement and of the mobility of people, the military presence, and the physical imprint of the fence), citizens create their own modes for regulating these injustices. These modes correspond to illegal or informal movements in order to cross the border between East Jerusalem and the Palestinian Territories, to benefit from economic activities or to obtain an administrative status. Pragmatic actions overcome the traditional break between the political and the moral, and challenge the collective norms (stemming from religion, resistance and patriotism). These practical actions also reveal forms of trust in the enemy (Israel), that contradict to some extent the norms and collective judgments within the community (the sense of patriotism and honour dominates), appear like tests for civility and human decency. They mark the emergence of individualism and subjectivity which could be linked to the notion of self realization and freedom which are both values of liberalism, and consist in recognizing the capacities and capabilities which are also the sources of pluralism. Such an approach opens the perspective for the notion of the recognition at a non‑institutional level.

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