La sociologie américaine de la pauvreté, du ghetto wilsonien à la ville globale

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Dominante dans le champ académique américain, la sociologie de la pauvreté de William Julius Wilson et de ses héritiers inscrit son objet dans une perspective écologique (ou spatiale). À l’aide des notions de concentration de la pauvreté et d’isolement social, le projet wilsonien est de comprendre la relation entre pauvreté et problèmes sociaux. Fondée sur l’idée de distance d’abord géographique, mais aussi sociale et culturelle, entre quartiers pauvres et noirs et le reste de la société, l’approche wilsonienne est insensible et muette face à une autre configuration spatiale de la pauvreté : celle dans laquelle pauvres et riches vivent dans une grande proximité spatiale, comme c’est le cas dans les villes globales extrêmement inégalitaires. Après avoir déployé la richesse de la sociologie wilsonienne, l’article propose un mode d’analyse complémentaire de la pauvreté. Mettant au cœur de cette analyse la vie économique des pauvres et reléguant à la marge la question des problèmes sociaux, une approche attentive aux effets de la proximité spatiale entre pauvres et riches met au jour non pas les bénéfices d’une mixité sociale qui fluidifierait la circulation des ressources vers les plus pauvres, mais le cloisonnement de ces ressources au travers de relations de dépendance des pauvres envers les riches, rendant élusive une sortie durable de la pauvreté et une intégration dans une « classe moyenne ».

Dominant in the field of urban poverty, the work of William Julius Wilson and his followers casts the association between poverty and social problems in an ecological (or spatial) perspective, with concepts such as “concentration of poverty” and “social isolation.” Grounded in the idea of a “distance” between poor black neighborhoods and the rest of society, with spatial distance being concatenated with social and cultural distance, the work of Wilson says nothing about another form of urban poverty: One in which the rich and the poor live close to one other, as is the case in highly unequal global cities in the US. We first unpack the wealth of insights and debates of the “Wilsonian” sociology of poverty, and then develop a complementary mode of analysis that makes sense of poverty in global cities. The core of this latter approach is to put forth the economic life –often off the books– of the poor, to marginalize the issue of social problems created by the poor, and to highlight the formation of patronage ties between the rich and the poor. In the end, the image emerging from this second type of urban poverty is one in which the benefits of socio-economic diversity in the environment do not trickle down to the poor, as implicitly expected in the “Wilsonian” approach. In a situation of geographical proximity, another form of social closure between the poor and the rich exists that does not preclude relationships, but renders upward mobility for the poor more elusive.

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