2012
Cairn
Suzanne Maiello, « Le corps inhabité de l'enfant autiste », Journal de la psychanalyse de l'enfant, ID : 10670/1.4o0l94
Le corps est le lieu des expériences primordiales du bébé. C’est dans le moi corporel, lié étroitement à la perception de l’espace et du temps, qu’a son origine et que se développe le sens d’identité, dans le réseau de réciprocité des échanges interpersonnels avec l’entourage humain.Dans les états autistiques, l’absence de relations avec le monde extérieur qui comporte le retrait de toutes les dimensions de la réalité, y compris la perception de l’espace et du temps, se reflète inévitablement sur la relation de l’enfant avec son corps. L’élimination de tout échange entraîne l’élimination du sens d’exister en tant que corps et d’habiter ce corps.Ne pouvant tolérer aucune perception d’exister comme individu du moment qu’il ne peut abandonner le phantasme inconscient d’un état d’unité fusionnelle, l’enfant autiste ne peut accepter que son corps se « solidifie », étant donné que ce processus impliquerait la perception d’être séparé de l’entourage et d’avoir une peau qui délimite l’intérieur de l’extérieur. La stratégie défensive de beaucoup d’enfants autistes consiste à refuser à des niveaux psycho-physiques profonds cette « solidification ». Leurs corps, leurs mouvements, leur comportement, tendent alors à susciter chez le thérapeute une perception de liquidité, de volatilité, de viscosité ou au contraire de congélation qui semble représenter une ultérieure manœuvre protectrice.L’histoire de trois enfants autistes en thérapie psychanalytique montre comme la découverte de la corporalité et l’expérience d’exister comme corps réel dans l’espace, dans le temps et dans la relation, représente un passage fondamental dans le processus thérapeutique. La découverte du corps et l’expérience qu’il est solidement contenu dans l’espace tridimensionnel et dans l’attention du thérapeute est indispensable pour que le contenant psychique de l’enfant puisse commencer à assumer les fonctions mentales essentielles de projection et d’introjection.