2010
Cairn
Laurence Croq, « La vie familiale à l'épreuve de la faillite : les séparations de biens dans la bourgeoisie marchande parisienne aux xviie-xviiie siècles », Annales de démographie historique, ID : 10670/1.549ubn
Les épouses des marchands parisiens frappés par une grave faillite demandent au tribunal du Châtelet de prononcer une sentence de séparation de biens. Comment les épouses prennent-elles cette décision ? À quelle(s) conditions(s) les juges accèdent-ils à leur demande ? Comment les sentences sont-elles appliquées et quelles en sont les conséquences sur le mode de vie du couple ? Jusqu’à la décennie 1730, le modèle dominant est celui d’un couple fortement solidaire. Les épouses demandent la séparation de biens suffisamment tôt pour être prioritaires sur les autres créanciers et elles peuvent ainsi sauver leur fortune personnelle. Le couple poursuit la vie commune et rétablit la communauté de biens dès que c’est possible, finissant en général sa vie discrètement à Paris. Par la suite, les séparations de biens sont demandées par les épouses et/ou accordées par les juges alors que les espoirs de rétablissement économique ont quasiment disparu. La dot, qui n’est plus une créance prioritaire, est alors difficilement récupérable. Les époux s’accommodent de la séparation de biens, ils cohabitent plus difficilement et les gestes de solidarité réciproque sont moins fréquents. Une partie des faillis quitte Paris et/ou se reconvertit dans le salariat, les femmes tenant de petits commerces. Les enfants restent le plus souvent célibataires à cause de la faiblesse de leur capital économique, mais, grâce à leur capital culturel, quelques-uns deviennent des hommes de talent engagés dans les conflits de leur époque.