2019
Cairn
Ary Gordien, « Gais, « blacks » et antillais : L’art de ruser avec des impositions hétéronormatives et postcoloniales », L'Homme & la Société, ID : 10670/1.56zjru
Cet article s’intéresse au milieu gai antillais de Paris et cherche à expliquer comment des hommes gais noirs originaires de Martinique et de Guadeloupe vivent des formes multiples de domination liées à la « race », à l’ethnicité et à la sexualité, aussi bien dans leurs sociétés insulaires d’origines que dans la capitale. Ce texte a aussi à cœur de mettre en lumière les stratégies de résistance qu’ils emploient afin d’affirmer un sentiment identitaire particulièrement composite et labile. Cette réflexion se fonde sur une ethnographie réalisée en 2008-2009, au sein d’un groupe d’amis qui fréquentaient régulièrement les boîtes de nuit ciblant une clientèle catégorisée comme « black ». L’objectif est de retracer les trajectoires de ces hommes et de saisir la nature du contexte de migration postcolonial au sein duquel ils s’auto-identifiaient en construisant un réseau antillais noir et gai des deux côtés de l’Atlantique. La notion de consubstantialité (plus que celle d’intersectionnalité) permet de rendre compte de la manière dont la relative intolérance envers les personnes LGBT aux Antilles et les processus singuliers de racialisation auxquels ces hommes sont sujets à Paris façonnent les modalités à travers lesquelles ils se définissent et négocient des espaces relativement sûrs, tout en érigeant des barrières afin de se différencier d’autres figures d’altérité sur la base de la « race » ou de l’ethnicité.