2009
Cairn
Irène Herrmann et al., « Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les camps de concentration nazis, 1933-1939 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, ID : 10670/1.5mrxcv
Durant les années 1930, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) effectua par deux fois des visites dans des camps de concentration allemands. A posteriori, ces initiatives du CICR ont souvent été considérées comme une sorte de victoire remportée par une organisation internationale humanitaire sur le régime national-socialiste et sur son système d’oppression barbare. C’est du moins en ce sens que l’historiographie institutionnelle relate l’envoi de délégués du CICR dans les camps d’Esterwegen, d’Oranienburg et de Dachau, en 1935, puis en 1938. Les résultats concrets de ces visites de délégués du CICR ont été des plus limités, et ces missions humanitaires n’ont pas empêché l’extension de l’appareil concentrationnaire nazi, pas plus que sa transformation en un instrument d’extermination massive durant la Seconde Guerre mondiale. Mais le CICR en tira une certaine gratification morale. En effet, tandis que les puissances occidentales assistaient passivement à l’établissement de la dictature hitlérienne, le Croix-Rouge internationale avait, elle, tenté d’en secourir les victimes. Rétrospectivement, les visites de 1935 et de 1938 pourront aussi servir de maigre réconfort pour cette institution humanitaire qui sera largement impuissante à venir en aide aux persécutés du génocide nazi. Cet article prend le contre-pied de l’interprétation traditionnelle des activités du CICR dans l’Allemagne des années 1930. Nous tenterons de démontrer que ce n’est pas que pour des motifs humanitaires que le CICR envoya des missions dans ces trois camps de concentration. Ce faisant, cette institution participa aussi à sa façon à une politique d’apaisement envers l’Allemagne hitlérienne. Une pratique à laquelle s’adonnait également la Suisse, pays hôte du CICR.