2016
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Jean-Marie Schaeffer, « James Joyce et l'homme du commun », Communications, ID : 10.3917/commu.099.0095
Joyce se distingue de la plupart des autres grands romanciers modernistes parce qu'il est convaincu que l'histoire n'est pas une dimension essentielle de l'humanité. Les mondes fictionnels joyciens dissolvent l'histoire dans le temps de la quotidienneté, donc dans la temporalité de la vie vécue des individus. Il n'est pas davantage le porte-voix de la thèse de l'absolu littéraire et, plus généralement, de l'absolu artistique : l'enthousiasme juvénile pour la religion de l'art n'est plus endossé par l'auteur d'Ulysse. Plutôt, son indifférence à la grande Histoire est fondée sur la conviction que la seule unité de mesure temporelle qui convienne aux humains est celle de la vie individuelle de chacun d'entre eux. Pour s'ouvrir à la beauté des choses, il faut accepter le caractère inévitablement contingent et ouvert de la vie. Finnegans Wake représente l'apogée de cette égalisation radicale, réduisant à une même perplexité le lecteur cultivé ou ignorant, et l'auteur lui-même, face au foisonnement d'une œuvre au plus près de la contingence.