« Brueghel Brueghel / Oui ! t’égaler » (Jacques Darras et la peinture)

Fiche du document

Date

octobre 2022

Discipline
Périmètre
Langue
Identifiants
Collection

Archives ouvertes

Licence

info:eu-repo/semantics/OpenAccess




Citer ce document

Marie Joqueviel-Bourjea, « « Brueghel Brueghel / Oui ! t’égaler » (Jacques Darras et la peinture) », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.6nrjd9


Métriques


Partage / Export

Résumé Fr

Cette étude part de la citation qui lui donne son titre, et l'a motivée : les deux tétrasyllabes sont empruntés à « Pieter Brueghel sur l’A1 », poème décisif du livre de 2013 repris au titre d’une section de "La Maye réfléchit : Pieter Brueghel croise Jean-Jacques Rousseau sur l’A1". Le vœu, ou plutôt le désir qu’ils formulent au nom du poète, pose en effet de façon radicale la question du modèle pictural pour la littérature : égaler Brueghel… au-delà du plaisir pris à la paronomase, que peut bien vouloir dire, pour un écrivain, égaler un peintre ? Est-ce même possible ? Si tel est le cas, qu’est-ce qui rêve là d’être rejoint, atteint ? Pour quelles raisons chercher dans la peinture un mètre et dans le peintre un maître ? Mais surtout comment – très concrètement – transposer dans les mots un univers artistique, et plus largement accueillir dans un dispositif littéraire des préoccupations picturales, des savoir-faire et des gestes plastiques ?Si le poïein est ce commun élan qui ouvre à la forme quelles qu’en soient les actualisations disciplinaires, si un « danser primordial » (Michel Guérin) concerne toute mise en branle poïétique, reste qu’un trait distinctif advient qui, par son geste, ses outils, ses intentions inscrit l’œuvre dans un espace artistique singulier : égaler Brueghel, pour un poète, c’est donc nécessairement ramener à soi, c’est-à-dire à la temporalité de l’écriture et l’incarnation de la voix haute, ce que fait avec ses moyens propres la peinture, cet art silencieux de l’espace. C’est rabattre un regard sur une langue singulière (en l’occurrence le français, quand bien même habité, chaviré par l’anglo-américain) quand formes plastiques et couleurs dissolvent les frontières langagières…Dans le « Prière d’insérer » de son Henri Matisse, roman, Aragon, se remémorant les propos qu’il tint en 1941 au peintre, qui le prit alors au piège de son propre discours en l’engageant à mettre en pratique sa vision rêvée de la critique d’art, constate qu’il est un point où les chemins jusque-là conjugués de la poésie et de la peinture se séparent :[I]l n’y a pas de langage parlé, écrit, de la peinture, […] c’est folie de vouloir donner l’équivalent de la chose peinte quand peindre est déjà parler de quelque chose, et […] c’est pourquoi la critique présente […] agit par substitution de vocabulaire, et se troublant devant la peinture, parle musique, danse, parfums, etc., obéissant en cela plus à Baudelaire poète qu’à Baudelaire critique. J’ajoutais que, pour ma part, si je voulais parler de "La Ronde de nuit" ou de "L’Exécution de Maximilien", je ne chercherais ni à en donner un équivalent sonore ni une réplique picturale : j’essayerais simplement de me représenter ce qui est avant le tableau pour le peintre, le suivant jusqu’où, n’étant peintre moi-même, je ne puis en rien rivaliser avec lui .Ce n’est certes pas un critique d’art qui écrit « Pieter Brueghel sur l’A1 », mais un poète qui, se reconnaissant dans une geste picturale (et réciproquement à coup sûr, reconnaissant l’œuvre du peintre à l’aune de ses propres préoccupations poétiques, de ses positionnements esthétiques autant qu’existentiels), vise, par et dans le poème, à produire les mêmes effets sur le lecteur que ceux produits sur le spectateur par les toiles de Brueghel. En cela, je crois – et soutiens dans cette étude – que Darras, contrairement à Aragon, suppose qu’il est possible, pour un écrivain, de « rivaliser » avec un peintre : non certes sur le terrain de la peinture, mais de ses effets, et par là de ses parti-pris esth/éthiques voire politiques que relaient des aventures formelles – sinon, comment prétendre « égaler » Brueghel ?Cinq « plis » composent le polyptyque profane qui se propose d’explorer les modalités de cette émulation.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en