2019
Cairn
Sylvie Perrier, « Enfant à naître, conçu, posthume : la filiation entre droit et biologie (France XVIIe-XVIIIe siècles) », Annales de démographie historique, ID : 10670/1.6rhgkt
Dans la France de l’Ancien Régime, il existait des mécanismes juridiques permettant d’établir un lien de filiation fictif et temporaire entre un enfant conçu, mais non encore né, et son défunt père dans le but de protéger son héritage – son hérédité au sens ancien – en attendant l’acquisition de la personnalité juridique à sa naissance. Les causes jugées, rapportées dans les œuvres de juristes, font état de toute la difficulté d’application de règles de droit qui ne pouvaient être dissociées de leurs dimensions biologiques et sociales, révélant en cela une conception complexe de la filiation qui remet en perspective les débats de société actuels sur ces questions. La législation royale au xviiie siècle a raffermi le contrôle de l’État sur la transmission du patrimoine familial par une série d’ordonnances, dont celle sur les donations qui fait ici l’objet d’une attention particulière en raison de ses dispositions sur les enfants conçus mais non nés. Les commentaires des juristes sur la nouvelle loi ont révélé une rhétorique juridique qui associe le sang à l’héritage en ligne direct par l’entremise d’émotions validées par la morale chrétienne et les prescriptions étatiques, rhétorique sentimentale qui a ses racines dans la tradition juridique mais qui trouve son public au siècle des Lumières.