2018
Cairn
Guillaume Courty et al., « Moraliser au nom de la transparence. Genèse et usages de l’encadrement institutionnel du lobbying en France (2004-2017) », Revue française d'administration publique, ID : 10670/1.7a13gl
Cet article vise à rompre avec une lecture héroïque d’un encadrement juridique du lobbying introduit au sein de l’article 25 de la loi Sapin II du 9 décembre 2016, réduite aux seules pressions des ONG prônant la transparence et aux seuls membres de l’équipe du ministre porteur de la réforme. Il s’agit de montrer dans quelle mesure la fabrique de ce texte procède de l’investissement d’une diversité d’acteurs enrôlés, directement ou indirectement, dans la saisie du lobbying par le droit et s’inscrit dans un processus de résistances à l’élévation du lobbying comme sujet de débat législatif et à sa mise à l’agenda de l’exécutif. C’est un sujet à risque par sa capacité à redéfinir les acteurs impliqués et à dévoiler les règles peu visibles du jeu politique. La sociogenèse de son encadrement montre en premier lieu dans quelle mesure seule l’insertion du lobbying dans la politique plus générale de réassurance de la confiance publique a rendu possible une élévation de traitement au sein de la hiérarchie des normes (des dispositifs réglementaires de 2009 et 2013, à l’adoption d’un dispositif législatif en 2016). Est mis au jour en second lieu dans quelle mesure la loi Sapin II manifeste toute l’ambivalence de la question et du traitement du lobbying en France. Car son insertion au sein d’une loi anti-corruption consacre l’aporie de cette légitimation sociale par le droit : l’association entre lobbying et corruption vaut aussi acceptation du modèle critique et manifeste la persistance des désaccords originaires entre acteurs enrôlés.