2021
Cairn
Elina Kurovskaya et al., « The Red and the Black II : retours croisés sur une expérience rituelle », L'Homme, ID : 10670/1.7a1zof
Dans les années 1990, Michael Houseman avait introduit dans ses cours un rite d’initiation appelé The Red and the Black. Conçu comme un dispositif expérimental et pédagogique pour étudier les dynamiques interactionnelles du rituel, il consistait à faire passer à des candidats masculins une série d’épreuves en présence d’un public féminin qui, tout en intervenant dans le rituel, restait suffisamment mis à l’écart pour que, comme dans un rite initiatique « classique », une partie des événements lui échappe. Une génération plus tard, en 2018, une nouvelle version du rite vit le jour, qui intégrait un volet complet d’initiation féminine. Les rapports de genre ne devinrent pas pour autant plus symétriques : la plupart des hommes ne se rendirent même pas compte qu’une initiation féminine avait eu lieu et les femmes se gardèrent de les mettre au courant. Cette asymétrie s’inscrivait dans une série de dispositifs spatiaux et interactionnels que les rites initiatiques mobilisent habituellement pour polariser les genres, et dont il s’agissait de comprendre les ressorts (sensoriels, affectifs, cognitifs) par une expérience de participation observante. Rédigé tantôt collectivement, tantôt séparément par les initié.e.s et les initiateurs/initiatrice du rituel, cet article multi-perspectif essaie d’éclaircir la dynamique – rituelle, pédagogique et ethnographique – de cette expérience, en se fondant sur les comptes rendus des participant.e.s. En transformant graduellement ces notes, souvenirs et réflexions personnels, intimes et dispersés en un texte collectif et public, la production de cet article soulève ainsi également la question du dévoilement de secrets. Il tente, ce faisant, d’élucider les rapports entre les genres et entre les générations mobilisés dans cette expérience, aussi bien par ce qu’ils donnent à voir que par ce qu’ils laissent dans l’ombre.