12 avril 2017
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Françoise Dufour, « Reformulation métalinguistique et re-catégorisation du référent : du progrès civilisateur au développement », Presses Sorbonne Nouvelle, ID : 10670/1.7p7uxx
La reformulation désigne le processus dynamique (et son résultat) qui consiste en une reconstruction en discours du contenu sémantique d’une dénomination.Dans les discours à visée argumentative, les locuteurs qui reprennent des dénominations prédiquées antérieurement sont amenés à en redéfinir le sens pour servir leur stratégie discursive. Pour opérer ce réglage de sens, ils procèdent à des reformulations métalinguistiques qui produisent le recouvrement du champ sémantique de l’unité discursive reformulée.L’analyse des praxèmes « civilisation », « progrès » et « développement » dans la formation discursive coloniale fait apparaître un nombre important de reformulations qui construisent, à partir des discours constituants des Lumières, un stéréotype relationnel de catégorisation des groupes humains : « civilisation » vs « barbarie ». Au fil des reformulations, les catégories subissent des remodelages par l’ajout ou la modification de propriétés. Avec la rupture historique des décolonisations, les rapports de dominance qui perdurent préservent la continuité discursive, et le stéréotype est reformulé en « développement » vs « sous-développement ». La reformulation de la dénomination « développement » acquiert, dans les discours post-coloniaux, le programme de sens de « croissance économique » par intégration d’éléments de la formation discursive de la mondialisation économique. Cette composante sémantique nouvelle acquise par reformulation modifie les propriétés catégorielles définitoires du « développement » et du « sous-développement » et le rapport aux référents (groupes humains) qu’ils désignent.Les reformulations qui modifient le sens des praxèmes enregistrés en langue sont des actes de nomination qui modifient le rapport au référent. La récurrence des reformulations dans une même formation discursive produit des glissements sémantiques qui affectent la catégorisation des référents nommés. De discours en discours, les redéfinitions en chaîne réalisées par l’activité de reformulation, comme tout acte de nomination, donnent à celle-ci un rôle performatif dans la catégorisation référentielle