2014
Cairn
Claire Crignon, « Révolution anatomique et révolution cosmologique : quelques réflexions à partir de la lecture de « L'homme de Vésale dans le monde de Copernic » », Revue de métaphysique et de morale, ID : 10670/1.8quljt
Partant de la lecture de la conférence commémorative de Canguilhem sur « L'homme de Vésale dans le monde de Copernic : 1543 », cet article montre qu'il reste orienté par deux présupposés discutables : d'une part, la tendance à partir d'un même critère temporel pour évaluer les effets anthropologiques de l'exploration du corps comme de l'univers ; d'autre part, le recours au modèle de la physique mécaniste de Descartes et de Galilée pour évaluer les progrès de l'anatomie et de physiologie. Pour ne pas voir seulement dans la « révolution anatomique » une « révolution cosmologique renversée » l'article envisage un temps plus long de la réception des découvertes médicales. Il montre que c'est surtout à partir de la découverte de la circulation sanguine par Harvey qu'une réflexion s'est engagée autour de la nécessité d'une approche différente de l'être humain à même de prendre au sérieux la complexité de la fabrique du corps. Cette réflexion se déploie au sein d'un genre littéraire spécifique : celui de la poésie médico-philosophique, à l'œuvre chez les poètes (J. Donne), les médecins (Th. Willis) ou les métaphysicisiens (H. More) qui font de l'imagination un moyen de pallier les limites du projet rationnel d'exploration anatomique du corps. L'étude de ces textes permet de montrer que s'est exprimée, dès la période moderne, une conscience aiguë au sujet de ce que G. Canguilhem a nommé les « puissances et les limites de la rationalité en médecine ».