29 mars 2021
Dominique Desbois, « Economie de stockage du carbone », Archive Ouverte d'INRAE, ID : 10670/1.8xlzx9
Certains facteurs socioculturels ou économiques peuvent réduire significativement les capacités de stockage physico-chimique du carbone en fonction des pratiques agro-écologiques, y compris dans les pays développés. Par exemple, aux États-Unis, les agriculteurs font partie des catégories socioprofessionnelles les plus conservatrices : beaucoup remettent en cause la probabilité d'une causalité anthropique au changement climatique (Rejesus et al., 2013) ; en Californie, les agriculteurs sont plus préoccupés par les contraintes réglementaires résultant du changement climatique que par tout autre facteur climatique impactant leur production ou leur exploitation (Jackson et al., 2012) ; ces agriculteurs sont sceptiques vis-à-vis des experts non agriculteurs qui ne connaissent pas les défis économiques et réglementaires auxquels ils sont confrontés (Tabuchi, 2017). Aux États-Unis, le coût de la capture du carbone par le biais de programmes du Natural Resources Conservation Service est estimé entre 32 et 442 dollars américains par tonne de CO2, avec une moyenne de 183 dollars américains (Biardeau et al., 2016). Compte tenu du potentiel agronomique, de la structure de propriété et du régime foncier des terres agricoles aux États-Unis, seulement 2 à 5 % des terres cultivées reçoivent des fonds dans le cadre des deux plus grands programmes de conservation avec stockage du carbone et seulement 2 % des terres agricoles sont mises en vente chaque année (Nickerson et Zhang, 2013). Pour l'Union européenne, un groupe d'experts de la Commission européenne sur les marchés agricoles propose également d'encourager les agriculteurs à stocker du carbone sur la base de pratiques agricoles adaptées (CE, 2016). Cependant, d'une part, l'évolution des cadres réglementaires de la PAC d'ici 2020 montre que les instruments proposés ne peuvent à eux seuls soutenir des projets à grande échelle sur le stockage de carbone dans les sols agricoles en Europe : en effet, il est très peu probable que le futur budget de la PAC soit suffisant (Jevnaker et Wettestad, 2017). D'autre part, le paquet climat et énergie de l'UE pour 2020 ne prend pas pleinement en compte le potentiel de réduction résultant de l'utilisation des terres et du changement d'affectation des terres(UTCATF), interdisant aux États membres d'utiliser des mesures de gestion des terres pour compenser les émissions d'autres secteurs (Schulte et al., 2016). Un prix du carbone bien plus élevé que la valeur actuelle (environ 5 €),ainsi qu'une réglementation visant à orienter les flux financiers des émetteurs industriels et énergétiques vers le secteur agricole seraient nécessaires et conformes au principe du pollueur-payeur (article 191, TFUE, 2009). Le siteintroduction d'une option d'utilisation des crédits compensatoires issus de projets agricoles dans le système européen d'échange de quotas d'émission (EETS) nécessite la rédaction d'un règlement exigeant l'établissement du niveau initial de carbone dans le sol de l'UE et la vérification de la quantité de CO2 séquestrée par les projets éligibles. Les périodes d'engagement doivent être établies sur des périodes de dix ans plutôt que sur des périodes annuelles, et légalement notifiées afin que les futurs acheteurs soient tenus de respecter l'engagement sur le reste de la période. Des instruments supplémentaires devraient également cibler les consommateurs, en particulier des instruments visant à orienter les choix alimentaires des consommateurs vers des produits autres que la viande, par exemple via une taxe sur la viande,puisque cette approche alternative doit être conçue dans l'Organisation mondiale du commerce (Bähr, 2015). En définitive, la décision d'adopter l'une ou l'autre des alternatives de gestion durable des terres ne devrait pas être fondée uniquement sur leurs avantages respectifs en termes d'atténuation du changement climatique, mais plutôt sur la prise en compte des ateliers. exploitation agricole, en évaluant de manière exhaustive la productivité, l'utilisation des ressources et l'impact environnemental du système productif. Par exemple, les changements d'affectation des terres qui réduisent la production agricole peuvent entraîner une augmentation des émissions de carbone si la réduction de la production implique une augmentation des importations d'aliments pour animaux ou de denrées alimentaires (Schulte et al., 2016). Cependant, l'approche française (Pellerin et al., 2017) est l'une des premières tentatives d'évaluation d'un large éventail de mesures techniques (agroforesterie, plantation de haies, travail simplifié du sol, cultures de couverture, extension des prairies temporaires ou intensification des prairies à faible productivité) visant le stockage supplémentaire de carbone dans les sols agricoles.