2021
Cairn
Amir Muzur et al., « La relation à Ivo Andrić et à son héritage littéraire comme reflet des tensions entre trois nations balkaniques », Études Balkaniques, ID : 10670/1.9c5oeh
Ivo Andrić (1892-1975), auteur de contes et de romans célèbres comme Le pont sur la Drina et La Chronique de Travnik, récipiendaire du Prix Nobel de littérature 1961, est né dans une famille de Bosnie centrale d’origine croate et catholique. Sa carrière ultérieure de fonctionnaire au service de la diplomatie royale yougoslave à Bucarest, Trieste, Graz, Marseille, Paris, Madrid, Bruxelles, Belgrade et Berlin lui permit de se déclarer avec opportunité de nationalité yougoslave ou serbe. Cette « transformation » assez soudaine a rendu les historiens littéraires croates ainsi que les gens ordinaires « réservés » ou même hostiles à l’égard d’Andrić, alors que les musulmans de Bosnie n’ont souvent pas apprécié l’évaluation (objective) qu’il a faite du « retard » de la Bosnie pendant la période ottomane par rapport à certains pays d’Europe occidentale, comme il l’a analysé dans sa thèse de doctorat de 1924.Il n’est donc pas étonnant qu’Andrić soit resté enterré à Belgrade et que seuls les Serbes aient « utilisés » son souvenir à des fins de promotion nationale active. « Andrićgrad » (ville d’Andrić) à Višegrad (la ville de Bosnie orientale où Andrić a passé son enfance et qui a été inspiré du Pont de la Drina), conçu par le cinéaste Emir Kusturica pour commémorer des éléments de l’héritage orthodoxe serbe, n’est pas qu’un exemple récent que le conflit de suprématie entre trois nations balkaniques (catholiques croates, orthodoxes serbes et musulmans de Bosnie) s’affrontant depuis plus de deux siècles, poursuit en abusant de l’héritage littéraire même (ou en particulier) et de son protagoniste principal.