2017
Cairn
Michel Bruneau, « L’installation des réfugiés grecs pontiques au Nord de la Grèce (Florina, Kilkis, Serrès) : leur rôle de gardiens des frontières de l’État-nation (1920-2000) », Études Balkaniques, ID : 10670/1.9cq3mc
Aux frontières Nord de la Grèce avec ses voisins balkaniques, des populations grecques et bulgares ont été longtemps présentes au sein d’une même région ottomane, le vilayet de Salonique, entremêlées sans séparation nette avant le tracé de la frontière. La guerre entre Bulgares et Grecs y a fait rage au cours des guerres balkaniques (1912-1913), de la Première et Seconde Guerre mondiale ainsi que de la guerre civile grecque (1945-1949). Ces conflits répétés ont abouti à un échange de fait, et partiellement négocié, de populations entre les Grecs et les Bulgares, et, depuis le traité de Lausanne (1923), au départ des Musulmans du côté grec. Ce départ des Bulgares et des Musulmans des villages et des petites villes de la Macédoine grecque a été compensé par l’arrivée de réfugiés grecs d’Asie Mineure, du Pont, de Thrace orientale et de Roumélie bulgare, dont l’installation a été organisée par l’État grec. On s’intéressera plus particulièrement aux villages vidés de leur population slave et bulgare, remplacée par des réfugiés Grecs pontiques et d’Asie Mineure des nomes de Serrès et Kilkis : Ano Poroïa, Doïrani-Drosato-Akritas-Iliolousto, ainsi qu’à un village créé de toute pièce : Neos Kavkasos (Florina). Ces réfugiés Grecs pontiques et caucasiens étaient eux-mêmes originaires d’une région frontalière (gouvernorat de Kars et Ardahan) où leur installation pendant quarante ans (1878-1918) avait été favorisée et organisée par l’Empire russe à sa frontière avec l’Empire ottoman. Leur situation « acritique », de gardiens des frontières, aux extrémités de territoires impériaux ou nationaux, n’a pas cessé de se reproduire, spontanément ou sous la contrainte, tout au long de leur histoire : frontière orientale byzantine, Caucase russe, Asie centrale, frontière nord de la Grèce. Leur attachement à leur territoire pontique d’origine passe par la religion chrétienne orthodoxe héritée de leur passé byzantin (églises, monastère de Panagia Goumera, icônes) qui les différenciait de la majorité musulmane ottomane. Cette confrontation dans la longue durée avec une autre religion dominante, l’Islam, et avec une autre langue elle aussi dominante, le turc, qu’ils ont parfois adoptée, a sans doute renforcé la vigueur de leur affirmation identitaire, les désignant tout particulièrement pour garder la frontière septentrionale balkanique de l’État-nation grec de 1923 à la fin du xxe siècle.