2021
Cairn
Alexandra Koulaeva, « Alexeï Gastev, ingénieur du Nouveau Monde », Entreprises et histoire, ID : 10670/1.9di4c9
La vie et les idées politiques, littéraires et scientifiques de l’« ingénieur du nouveau monde » russe Alexeï Gastev (1882-1939) illustrent les jalons importants et les paradoxes tragiques de son pays et de son époque. Révolutionnaire professionnel, arrêté maintes fois mais toujours évadé ; ouvrier par choix dans des usines russes et françaises ; écrivain, journaliste et poète célèbre ; syndicaliste qui organisa les premières grandes grèves russes de 1905, il est parvenu à la présidence du comité central de la gigantesque Union des ouvriers métallurgistes en 1917. Les années 1920 marquent un développement sans équivalent des théories de l’organisation du travail dans la Russie post-révolutionnaire. Gastev, souvent mentionné comme vulgarisateur en Russie des idées de Taylor et de Ford, a pourtant maintenu toute sa vie une certaine opposition à une partie de leurs idées, tout en assumant une grande inspiration de leurs méthodes. Théoricien et créateur il y a exactement 100 ans de l’Institut Central du Travail (TsIT) à Moscou, d’où sortirent 500 000 ouvriers qualifiés dans 200 spécialités, Alexeï Gastev a été élevé dans les années 1930 au rang de ministre de la Standardisation de l’Union soviétique et a contribué à la création d’un système du travail très éloigné de son idéal romantique initial du travail libérateur. Entre son exécution en 1939, victime du colosse qu’il avait aidé à construire, et les années 1990, une seule monographie et une poignée d’articles de recherche lui avaient été consacrés, tous hors de son pays. Les articles publiés en URSS pendant ces années étaient soit des préfaces à ses quelques œuvres rééditées, soit de brèves mentions dans des articles plus généraux, qui mettaient surtout en honneur son passé révolutionnaire. Cet article retrace à la fois le destin de Gastev et de ses idées, avant et après sa disparition, et l’intérêt récent et croissant qui sort de façon spectaculaire ce nom d’un oubli long de plusieurs décennies.