De quel agencement sociotechnique meurent les nouveau-nés d’Afrique de l’Ouest ? : Une anthropologie fondamentalement engagée pour améliorer la santé néonatale (Bénin, Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Togo)

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2020

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Yannick Jaffré, « De quel agencement sociotechnique meurent les nouveau-nés d’Afrique de l’Ouest ? : Une anthropologie fondamentalement engagée pour améliorer la santé néonatale (Bénin, Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Togo) », Santé Publique, ID : 10670/1.9ra6ze


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Introduction : En Afrique subsaharienne, malgré la mise en œuvre de nombreux programmes sanitaires, la mortalité néonatale reste extrêmement élevée. D’un point de vue médical, les principales causes sont obstétricales ainsi que les diarrhées et les pneumonies. Mais comment comprendre la construction de ces risques et de ces situations pathogènes sans observer, analyser et comprendre de quels gestes et systèmes de sens ils résultent ? Méthode : Notre étude n’avait pas pour but de décrire d’évidentes inégalités d’accès aux soins, mais de s’interroger sur les marges d’action des acteurs. Sur ce qu’il est possible d’améliorer dans ces situations sanitaires les plus communes. Concrètement, comment se déroulent les accouchements, les premiers soins ainsi que les pratiques populaires mises en œuvre dans les premiers jours de la vie de ces nouveau-nés ? Dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest, une étude anthropologique « multisite » a permis de suivre les premières semaines de vie des nouveau-nés ; de recenser méthodiquement, d’abord dans des services de santé périphériques, les interactions de soins lors de l’accouchement et de ses suites, puis en milieu rural et dans les familles, les pratiques populaires liées à la socialisation de l’enfant. Résultats : Nos enquêtes montrent que le risque néonatal correspond à la conjugaison de plusieurs ensembles de conduites. Dans les services d’obstétrique, pour des raisons touchant au statut symbolique de l’enfant autant qu’à une certaine conception de la profession obstétricale, le nouveau-né reste marginal dans les préoccupations des sages-femmes. De ce fait, de multiples dysfonctionnements, comme ne pas réchauffer l’enfant, le laisser dans les courants d’air, ne pas l’alimenter…, constituent des variables discontinues du risque.Au village, et dans la famille, le nouveau-né est au centre de multiples pratiques sociales – bains, rituels, ingestions de divers produits « protecteurs », période de réclusion, baptême… – qui visent à lui conférer une identité et à l’inclure dans son groupe social, mais qui construisent aussi un ensemble de risques infectieux.Enfin, alors que les actions de santé se déroulent dans un espace de traduction, aucun dialogue préventif n’est établi par les personnels de santé pour informer les populations sur les risques liés à certaines pratiques sociales.Globalement, ces suivis longitudinaux des nouveau-nés ainsi que les observations précises et les entretiens réalisés avec les acteurs sur leurs raisons d’agir ont permis d’analyser les attitudes, gestes et conduites sociales constituant les causes concrètes du risque néonatal. Discussion : Décrire les pratiques dont les nouveau-nés « bénéficient » durant leurs premiers jours est indispensable pour identifier et analyser concrètement les risques et les raisons de la forte mortalité néonatale. L’approche empirique et documentée de l’anthropologie est indispensable pour réaliser ces études. Mais, plus encore, cette approche qualitative doit être mise en œuvre in vivo et in situ dans les services de santé et lors des formations des personnels de santé pour créer une réflexivité des soignants et initier des pratiques professionnelles soucieuses des nouveau-nés. De même, nos études permettent d’initier des dialogues précis et documentés avec les familles, ouvrant sur un suivi des nouveau-nés indispensable pour assurer une prévention adaptée et une cohérence des soins entre les structures de santé, les familles et les collectivités.

Introduction: In Sub-Saharan Africa, despite the establishment of many health care programs, neonatal mortality rates remain extremely high. From a medical point of view, the main causes are obstetric, along with diarrhea and pneumonia. Understanding how these risks and pathogenic situations are constructed cannot be achieved without observing, analyzing, and understanding the underlying gestures and meaning systems. Method: Rather than describing obvious inequalities in the access to health care, our study aimed at questioning the different actors’ operational capacities and at considering what is actually possible to improve in the most common healthcare situations. More specifically, how are births, neonatal care, and popular practices carried out in the first days of the lives of these newborns? In five countries of West Africa, a “multi-sited” anthropological study was carried out to observe the first weeks of newborns. This study not only allowed for the methodical identification of care interactions at and around childbirth in peripheral health care services, but also the popular practices related to the socialization of the child in family settings. Results: Our fieldwork investigations show that neonatal risk corresponds to the combination of several sets of behavior. In obstetric services, for reasons linked to the symbolic status of the child as much as to a certain idea of the obstetric profession, the newborn remains marginal in the preoccupations of the midwives. This results in many dysfunctions (not warming the child, leaving the child in a drafty area, not feeding the child…) which constitute discontinuous risk factors.In the village and in the family, the newborn is at the center of many social practices – baths, rituals, ingestions of various “protective” products, period of seclusion, baptism… – which not only aim at conferring an identity and including the infant in the social group, but also build a set of infectious risks.Finally, while health actions build a translation space, no preventive dialogue has been established by healthcare personnel to inform people about the risks associated with certain social practices.Overall, these longitudinal follow-ups of newborns, as well as precise observations and interviews conducted with the actors on their reasons for acting, have made it possible to analyze the attitudes, gestures and social behaviors that constitute the concrete causes of neonatal risk. Discussion: Describing the practices that newborns “benefit from” during their first days is essential to concretely identify and analyze the risks and reasons for high neonatal mortality. The empirical and documented approach of anthropology is essential to carry out these studies. But, more importantly, this qualitative approach must be implemented in vivo and in situ in the health services and during the training of health personnel to create a reflexivity of the caregivers and to initiate professional practices concerned with newborns. In the same way, our studies open the way for precise and documented dialogues with families which will enable the indispensable follow-up care for the newborns and ensure adapted preventive care and coherence in the care provided by the healthcare structures, the families, and the collectivities.

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