2021
Cairn
Jean-Baptiste Lanne, « Écrire des vies en veille. Retour sur une méthode de création poétique auprès des gardiens de Nairobi », Annales de géographie, ID : 10670/1.a1cvry
Cet article propose un retour critique sur une méthode de terrain faisant usage de l’écriture poétique comme moyen d’accompagner à la parole des personnes peu à l’aise vis-à-vis du récit de soi. Cette expérimentation a notamment été conduite auprès des gardiens de sécurité privée de Nairobi (Kenya), des individus en situation d’isolement au travail et soumis à de fortes logiques de domination. Ces « veilleurs » de la ville apparaissent particulièrement vulnérables face aux attendus implicites de la mise en récit de soi (être en capacité de dire « je », se projeter dans un temps linéaire et progressif, donner du sens aux différents espaces parcourus). Le recours à une langue poétique permet une expression à la fois plus fluide et moins douloureuse, à condition de se montrer particulièrement attentif aux conditions concrètes de son écriture. Ainsi, ce texte revient sur les enjeux d’une création à quatre mains lors des ateliers, de la matérialité de l’écriture, de la constitution d’un « espace à soi » ; autant d’éléments qui, tenus ensemble permettent d’accompagner avec justesse à la parole. Parallèlement, il interroge les conditions d’accueil de ces productions poétiques au sein de nos propres textes en sciences sociales. L’articulation écriture poétique – écriture scientifique, loin de constituer une impasse, permet au contraire de réinsérer une certaine précarité dans nos formes textuelles, nécessaire à la crédibilité de nos discours.