2017
Cairn
Serge Bianchi, « Révolution française et Utopie », Annales historiques de la Révolution française, ID : 10670/1.aeavil
Longtemps, les concepts d’Utopie et de Révolution ont été pensés contradictoires, l’imaginaire de la Cité idéale semblant incompatible avec l’expérimentation en temps réel de réformes générant des tensions politiques et sociales. Cet essai propose d’autres lectures, à partir d’un large corpus d’œuvres littéraires et de projets de réformes visant à transformer la société, avant et pendant la décennie révolutionnaire. Quelques utopies sociales, fondées sur le droit naturel, et architecturales, précèdent la Révolution française, dans la seconde moitié du siècle des Lumières. La Révolution provoque un éclatement des genres utopiques, entre la tradition intemporelle, les jugements – positifs ou négatifs – de l’œuvre révolutionnaire, et les volontés de transformation radicale des rapports sociaux. L’avènement de la République s’accompagne de réformes voulues égalitaires sur les plans de l’éducation, de la famille, des relations sociales. Pendant la période montagnarde, l’utopie se joue sur les bancs de l’école, dans les scènes des théâtres, dans les fêtes, dans le calendrier républicain. Face à une culture libérale dominante, la Conjuration des Égaux et le babouvisme entendent dépasser les « romans utopiques » de Mably et Morelly, tirer les leçons de la réaction thermidorienne, pour proposer une cité idéale, communautaire, abolissant la propriété privée, nécessitant la prise de pouvoir par une avant-garde organisée. Si la Révolution a pu enterrer des utopies et générer des contre-utopies, elle a pensé et appliqué des réformes sociales relevant de l’Utopie et préparé, au-delà de ses échecs, les utopies de la génération qui lui succède : Saint-Simoniens, Blanquistes, Fouriéristes, Icariens.